Et donc, Dungeons & Dragons. Rien de mortellement original, mais la nouvelle édition arrive l'an prochain, donc bon. Ca mettra un gentil pied au cul de mes nombres de visiteurs uniques pour la semaine. Voilà voilà. Bref.
C'est quoi un point de vie ?
C'est une sacré bonne question, non ? D'où ça vient, à quoi ça sert, où est-ce que ça s'en va ?
Ca vous dit qu'on y regarde de plus près ensemble ?
Si on farfouille dans la toute première édition disponible de D&D — publiée en 1974 et portant le sobriquet de "brown book" — la définition des points de vie est on ne peut plus abstraite :
Points de vie : le score qui détermine combien de points de dégâts le personnage peut recevoir avant de mourir.
Et c'est tout. Ca ne représente rien de précis dans l'univers où les héros vivent leur vie : ni leur santé, ni leurs réflexes, ni leur chance, ni rien. Ou peut-être tout ça à la fois, rien ne le dit. Il s'agit juste d'une donnée mécanique qui n'a qu'un seul sens dans l'histoire : plus un personnage a de points de vie, plus il vivra longtemps. A ce compte-là, le E. Vil Coyote et Rincevent le Maje sont bardés de points de vie, puisqu'ils s'en prennent plein la figure à longueur de récits et sont toujours là pour en parler ; Boromir, par contre, doit plafonner à un dé de vie, et a visiblement tiré "2" sur son d10. Heureusement qu'il avait un bonus de Constitution.
L'édition "boîte rouge" explique les points de vie en paraphrasant le brown book. L'édition avancée parle de la "résilience" du personnage, et précise au détour d'une page que les points de vie cumulent "l'expérience du combat, la chance et les facteurs magiques" du personnage, surtout à haut niveau, et précise qu'il est "ridicule de penser qu'un guerrier de niveau 10 peut subir assez de blessures pour tuer 4 chevaux de guerre" : les points de vie, passé un certain nombre — combien ? Mystère — représentent les moments où on aurait dû recevoir une blessure, mais en fait non, ou bien c'était pas si grave que ça, finalement.
En troisième édition, les points de vie sont définis comme "à quel point le personnage est difficile à tuer." La quatrième édition est à la fois plus précise et tout aussi floue : les points de vie "mesurent votre capacité à encaisser les coups, à transformer une blessure mortelle en égratignure et à rester debout durant toute la bataille."
Bref, les points de vie : plus on en a, moins on meurt vite. Chercher plus loin, c'est la migraine assurée.
Mourir, c'est partir un peu
Dans la vraie vie, mourir c'est un peu la sanction finale. Mais en jeu de rôle — et plus particulièrement dans D&D — il se passe quoi quand on meurt ?
Quand votre personnage meurt, je veux dire. Si vous, vous mourez pendant une partie de jeu de rôle, vous êtes mort. Facile. Mais votre personnage ?
Les premières éditions sont assez claires : quand votre lanceur de sort à 1d4 points de vie — qui a invariablement tiré un "1" voire, plus frustrant encore, un "2" avec un -1 en constitution — se prend 14d8+12 de dégâts dans la face parce qu'il a parlé gras à un troll peu amical, vous êtes bons pour refaire un nouveau personnage de niveau 1, à moins que par bonheur votre groupe d'aventuriers ait accès à des sorts de résurrection (généralement à haut niveau).
Dès la première édition avancée, le maître du donjon peut se sentir généreux et laisser le joueur refaire un personnage d'un niveau moins élevé que le précédent, mais pas nécessairement 1er niveau. C'est au cas par cas, c'est laissé à l'appréciation du MD et ce n'est pas "obligé" dans les règles. Ca sent plus le patch qu'autre chose en l'état.
La troisième édition s'en lave complètement les mains, laisse le niveau du nouveau personnage entre les mains du MD et donne vaguement le conseil de le faire démarrer au niveau du personnage survivant le moins élevé, moins un. La quatrième édition, elle, est claire comme de l'eau de roche : si ton personnage meurt, tu refais un personnage du même niveau. Tu recommences quand même avec juste les points d'expérience pour atteindre ton niveau : les points d'expérience que tu avais gagnés depuis ton dernier passage de niveau s'envolent.
Au final, voir son personnage mourir à D&D, c'est la double peine : tu ne peux plus jouer ton personnage adoré, et tu as perdu des PX (de moins en moins d'édition en édition, mais quand même).
L'un dans l'autre
Puisque jouer un personnage qu'on aime bien est un des premiers plaisirs du jeu de rôle et que mécaniquement, le but de D&D c'est de gagner des PX et de monter de niveau, cette double peine est la pire sanction du jeu si le joueur n'est pas consentant. Et puisque — à quelques exceptions près, genre les pouvoirs qui tuent sur un jet de protection raté — perdre tous ses points de vie tue le personnage, les points de vie sont LA ressource au coeur du jeu.
C'est LE score dont dépend tous les autres. A quoi ça sert, un bonus de Force de +6 et toutes les pièces d'or du monde, si son personnage est en train de pourrir ? Et puisque les PX sont LA récompense du jeu — pour les joueurs, en tout cas — j'ai envie de résumer la mécanique de D&D à cette question : combien de points de vie suis-je prêt à sacrifier pour gagner le plus de points d'expérience possibles ?
Ce qui n'est pas sale, entendons-nous bien. C'est même très malin comme mécanique : la perte et le gain de points de vie est légèrement imprévisibles, c'est donc un pari constant. Il me reste 10PV, et l'ours-hibou fait 1d6+5 de dégâts — soit 8-9 de moyenne. Je reste et je risque de prendre un mauvais coup, mais j'ai une chance de me le faire et de gagner des PX ? Ou bien je me casse, j'abandonne les PX et je me repose pour attaquer la bête plus frais ?
(C'est entre autres pour ça que j'adore les anciennes règles de "1 pièce d'or = 1 point d'expérience". Puisqu'on peut obtenir des points d'expérience en esquivant le danger pour aller droit au trésor, tout d'un coup la façon la plus intelligente de combattre, c'est de fuir — ou d'endormir la bête, ou d'embobiner le goblin, etc — bref : le jeu pousse à faire mieux que combattre, et le combat devient le dernier recours. On commence à perdre des points de vie quand on a foiré toutes les autres approches.)
Bref : tout dans D&D tourne en fait autour des points de vie des personnages-joueurs, même quand ça n'en a pas l'air.
Vous allez me demander : c'est bien joli tout ça, mais on en fait quoi ?

Probablement LA mécanique qui me ferait arrêter D&D si on ne pouvait pas la remplacer par autre chose.
RépondreSupprimerComment ça ?
SupprimerTu embarques un barbare de niveau 14 prétiré sur ton tapis volant, et, usant de ruse, tu le pousses d'une hauteur de 500 mètres. Sauf règle optionnelle, il se relève dans 100% des cas dans le round qui suit son contact avec le sol.
SupprimerMême en ouvrant les bras pour ralentir et en faisant un brise-chute à la fin, John McLane ne survivrait pas à ça. Et si lui peut pas, alors je peux pas croire que quelqu'un se relève de ça.
Même problème pour les combats, qui durent des plombes à haut niveau.
Peut être que justement, c'est voulu. Comme tu dis, perdre son perso et ses px est terrible pour un joueur, et plus ton niveau est haut, plus ta perte est grande. Alors peut être que les règles prévoient d'augmenter la résistance des personnages les plus précieux pour éviter les incidents tragiques.
Mais moi quand je peux plus y croire ça me ruine une partie. Donc quand je mène donj', j'utilise systématiquement des règles alternatives pour gérer la survie des PJs.
Le problème est que les points de vie sont souvent optimisés pour gérer les combats, pas pour les dommage "environnementaux" (chute, poison, maladie, noyade).
SupprimerDu coup il y a des effets de bords massifs.
Ben oui. Il y a comme un dissonance : on te dit que les PV ne représentent pas la santé, mais en pratique, tu n'en perds que pour des problèmes de santé.
SupprimerDémoraliser devrait faire perdre des PV. Un sort de malbol devrait ajouter +1 aux dégâts subis. Courir pendant 3 jours ? -1d6 PV par jour de course.
La fatique, le découragement, la désorientation : des PV en moins. Certaines pertes ne poussent pas jusqu'en dessous de zéro, mais te privent quand même de précieux PV.
Les PV, si on regarde les règles, ne sont pas la santé du personnage. C'est à quel point t'es le héros. Celui qui a le plus de PV à la table est le personnage principal, parce qu'il est celui qui mourra le dernier.
Tiens, et je pensais à un truc tout à l'heure : y a quelque part toujours cette relation de 1po=1px, même si elle s'est fondue dans le décor et que le taux de change a un peu changé. Cette relation elle est dans le matos. Tu peux échanger tes po contre des objets qui vont augmenter ton niveau de badass à coup de bonus divers.
RépondreSupprimerTrès vrai. A une époque lointaine, le loot était entre les mains du MJ, aujourd'hui la charge s'est déplacée lentement vers les joueurs. Hier, tu trouvais un Tiare de Contrôle Mental dans un coffre pourri, aujourd'hui tu l'achètes au marché.
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