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lundi 23 avril 2012

Jouer le jeu

Je pense qu'on a énormément à apprendre en arrêtant de jouer à des jeux de rôle comme on joue d'habitude à des jeux de rôle. Je pense qu'il faut essayer de jouer à des jeux de rôle comme on joue à un jeu, tout court.

Avec un jeu normal, on achète le jeu, on lit les règles, et on les applique. Parfois on se trompe, mais c'est pas grave : ou bien on s'en fout, ou bien on fera mieux la prochaine fois. Mais on les applique du mieux qu'on peut.

Avec un jeu normal, on est tous là pour s'amuser, et on fait tous attention à ce que tout le monde s'amuse. Parce que c'est juste du savoir-vivre, pas une prérogative du MJ ou quoi ne qu'est-ce. Quand on ne s'amuse pas, ben il prendra la poussière sur une étagère, ou bien on se met d'accord, tous ensemble, de changer un ou l'autre détail ("et si on ajoutait un sablier, pour éviter les boulets ?", "et si on remplaçait les dés par un jeu de cartes ?") pour que ça roule mieux. Mais on fait attention à ce qu'on change. Parce qu'on risque de mettre quelque chose par terre quand on le fait. Et personne ne s'amène en disant "aujourd'hui, on va jouer comme ça" en modifiant les règles de façon unilatérale voire pire, par surprise (parce que modifier les règles par surprise et unilatéralement ça porte un nom : tricher).

Avec un jeu normal, quand on précise qu'il faut un meneur de jeu, comme à la Fureur de Dracula ou Les 3 Mousquetaires, y'en a toujours un qui s'y colle plus volontiers que les autres. Mais avec un jeu normal, il fait juste ce que les règles lui demandent de faire, ni plus, ni moins. Le meneur ne va pas amener des habitudes d'un autre jeu pour animer celui auquel on joue. Il ne va pas présupposer, sans que rien ne soit dit dans les règles, que son rôle, ses objectifs et ce qu'il peut faire restent le même de jeu en jeu.


Avec un jeu normal, pour savoir comment la partie se termine, on la joue. On suit les règles, on jette les dés, on voit ce qui se passe. Parfois il y a un cadre — une partie de Dungeon Lord se termine toujours par la dernière arrivée d'un groupe de héros — parfois pas. S'il n'y en a pas, on voit où la partie nous mène. 

Partez du principe que votre jeu de rôle de la semaine est un jeu normal. Oubliez l'étiquette "jeu de rôle". Dites-vous "on va jouer à Donj'" comme on se dit "on va jouer à la belotte" ou "on va jouer à Horreur à Arkham". Regardez ce que le jeu attend que vous fassiez et commencez par faire juste ça, ni plus ni moins. Et regardez ce qui va se passer. Quand je le fais, non seulement ça marche mais je découvre un nouveau jeu, même quand c'est un jeu que je connais depuis vingt ans.


Après tout, quand t'écris des règles, c'est pour être lu comme ça, non ?


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20 commentaires:

  1. A peu de chose près, j'ai toujours joué et fait jouer comme ça (sauf en PIF, mais tu avoueras que c'est un peu particulier).

    La seule différence concerne le point "pour savoir comment la partie se termine on la joue". Parce que sauf gros fumble (tous le monde meure en cours de route) ou gros coup de génie des joueurs face auquel le MJ ne peut que s'incliner le scénario définit toujours la façon dont la partie s'achève (le trésor est tué, le dragon est libéré et la princesse est partagée... ou quelque chose comme ça).

    Mais d'un autre coté même dans un jeu "ordinaire" bien souvent on sait aussi comment ça va finir: après 10 tours de jeux on fait un dernier décompte et on proclame le vainqueur. Bien sûr on ne sait qui sera le vainqueur, mais on sait qu'on s'arrêtera au dixième tour et que c'est le nombre de points qui sera pris en compte (et pas un autre élément du jeu tel que par exemple l'argent, la position sur le plateau ou autre chose encore)

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    1. Juste

      La seule différence concerne le point "pour savoir comment la partie se termine on la joue". Parce que sauf gros fumble (tous le monde meure en cours de route) ou gros coup de génie des joueurs face auquel le MJ ne peut que s'incliner le scénario définit toujours la façon dont la partie s'achève (le trésor est tué, le dragon est libéré et la princesse est partagée... ou quelque chose comme ça).

      Si tu n'as pas une condition de fin dans ton jeu, tu peux continuer à jouer ! Genre ils ont buté le dragon dès la première heure ? Pas grave ! Maintenant ils sont riches ! Que vont-ils faire de leur pognon ? Que va-t-il se passer quand ils vont revenir au village de pouilleux trois jours plus loin, et qu'ils vont commencer à claquer leur thune ostensiblement ? Des brigands dans le coin ? Un seigneur impressionné et son aide de camp jaloux ? Etc...

      (Surtout à D&D qui, dans la boite rouge, by the book, te dit "une aventure, c'est ce qui se passe entre le moment où on s'assied pour jouer et le moment où on arrête". C'est tout. Tuer le dragon n'est pas une condition de fin de partie.)

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    2. Selon moi, tout dépend comment tu planifies le timing de tes parties. En ce qui me concerne, je lève la séance dès que le dragon est tué, peu importe qu'il soit 16 ou 18 heures. Je ne me sens pas obligé de rallonger la sauce deux heures de plus parce que mes joueurs ont été plus rapides que ce que j'avais estimé en préparant le scénar.

      Bien sur, rien n'empêche de reprendre la partie suivante là où on en était resté. Mais ce sera un nouveau scénario avec une nouvelle intrigue, de nouveaux problèmes à résoudre et un nouveau dénouement à la clé.

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  2. Greg, je crois que le rpg user agreement est fait pour toi!
    http://www.latorra.org/2012/04/04/the-rpg-user-agreement/

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    1. Pitin, j'avais écrit à peu de choses près le même texte il y a trois mois pour servir de préambule à un de mes trucs :

      Je vous promets trois choses : nous avons vraiment joué à ce jeu, et nous nous sommes amusés, et j'essaie du mieux que je peux de vous expliquer comment y jouer vous aussi.

      Je vous demande juste trois choses en retour : jouez vraiment à ce jeu, ne m'en voulez pas trop si vous ne vous amusez pas, et essayez de suivre les règles que je vous ai écrites.

      Amitiés,


      Mais j'adore le legalese de Sage. Fukken stolen.

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  3. Et si vous essayiez de jouer aux jeux de société comme vous jouez aux jdr ? En hybridant les règles au fur et à mesure, en proposant des modifications en cours de route, pour voir, en oubliant les règles qui ne vous semblent pas convenir, en important des éléments d'autres jeux…

    Et regardez ce qui va se passer. Quand je le fais, non seulement ça marche mais on s'amuse souvent mieux.

    Après tout, quand t'achète un jeu, c'est pour y jouer comme cela te plait, non ? pas pour être la bitch de l'auteur, si ? Parce que qu'est-ce qu'il y connait à vos goûts, l'auteur ?

    Je fais un peu l'avocat du diable, mais c'est comme cela que je joue… souvent.

    Parce que cela peu aussi être très intéressant et enrichissant de jouer au jeu exactement comme il fut écrit. Parfois on découvre des choses que l'on avait pas vu à la simple lecture, il y en a même qui sont spécialistes pour créer avec leurs règles des dynamiques intéressantes et plutôt cachées (bien que je me demande parfois si ce n'est pas un défaut). Mais bien souvent, il y a tout de même un truc qui gratte.

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    1. Putain mais non, tout à fait, en fait.

      Tentons les deux, absolument.

      Plus on variera les façons de jouer, plus il risque de se passer des trucs intéressants.

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    2. Bon je fais le malin mais là je sors d'Apocalypse World que j'ai tenté by the book. Dur d'y rester strictement, je ne suis pas certain d'avoir réussi. Mais bien, les joueurs ont aimé et moi aussi. Et très intéressant. Même là où j'ai commis des écarts, le fait d'évaluer ceux-ci est enrichissant.

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    3. Voilà.

      Je pense qu'il y a un million de façons valables de mener une partie de jdr. Je pense aussi que lorsqu'un mec conçoit un jdr, il le fait en ayant une façon plus ou moins précise de le mener en tête. Que ça soit explicite — Star Wars, Apocalypse World, 3:16 — ou implicite, parce qu'il a toujours fait comme ça et ne pense pas nécessairement à comment faire autrement.

      Mais ça transparaît quand même dans les règles, même si on le le met pas dedans (comme le font AW ou 3:16).

      Donc, je pense qu'en suivant les règles, on peut découvrir — directement ou en filigrane — une nouvelle façon de mener. Et ça, c'est magique.

      (Les jeux qui te donnent cash la façon de mener te permettent également de jauger facilement si tu le fais ou pas, comme tu dis.)

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  4. En réfléchissant un peu plus sur ce thème, je me dis que pas mal d’auteurs de jdr attendent | demandent | proposent ce genre d’appropriation. Pas mal de jeux sont présentés comme des boites à outils. D’autres sont incomplets, parfois on se demande si c’est une volonté de l’auteur ou non. D’autres veulent couvrir trop large (en termes de public, de styles de jeu abordable, de point focal, …) et sont incohérents, il faut y faire des choix.

    Jouer au jeu tel quel demande à ce que le jeu soit complet, cohérent et conçu comme un tout à peu près monolithique. Je ne dis pas que cela est rare, mais beaucoup de jeu ne conviennent pas.

    Toutefois, il est clair qu’avec un jeu adéquat, cela peut être une expérience très enrichissante de cesser, enfin, de toujours revenir à jouer au même jeu, quelque soit le nom que l’on lui donne.

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    1. Sur le coup, par contre, tu serais surpris du nombre de jeux qui marchent. Et pas nécessairement des nouveautés narrativo-pouet-pouet.

      Mon exemple favori : STAR WARS, d6, 1ère édition. Tu peux appliquer toutes les instructions du bouquin à la lettre — règles, principes de maîtrise, structure de scénario — et tu as une solide partie de jeu de rôle, qui en plus sent le STAR WARS à plein nez. Pas besoin d'aller chercher midi à 14h, juste tu suis le bouquin, joueur comme MJ, et paf.

      On dit souvent qu'il faut faire confiance à son meneur / à ses joueurs. Je dis : une partie de jeu (dr ou pas) c'est obligatoirement un pacte passé entre a) les joueurs entre eux et b) le groupe et le designer.

      Faisons confiance aux designers. Après, tu verras s'il la mérite ou pas, et si tu veux lui faire confiance à l'avenir, mais tentons le coup. Prenons l'AdC, Donjon boîte rouge, La Brigade Chimérique ou quoi et jouons-y tous — joueurs comme meneur — comme le designer pense qu'on devrait le faire.

      J'ai redécouvert STAR WARS comme ça. D'un coup, c'est un autre jeu, quand tu fais confiance à Costykian et que t'essaies comme il dit. Et de mon point de vue, c'est un bien meilleur jeu, en fait.

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    2. Ouais bon, mais ce Star Wars c'est un jeu fantastique aussi. Exceptionnel. Bien ficelé, cohérent, didactique qui te prends par la main, que même si tu connais pas le jeu de rôle tu as tout ce qu'il faut. Je regrette _vraiment_ de ne pas l'avoir à moi.

      Je ne pense pas qu'il y ait une majorité de jeux avec lesquels cela ne fonctionne pas. Mais il y en a suffisamment pour que l'on ne puisse pas prendre un jeu au hasard pour tenter. Suffisamment pour expliquer que ce ne soit pas l'approche standard du jdr. Cela n'enlève rien à l'intérêt de la démarche, mais exige de choisir un jeu qui le permette.

      Parfois j'ai l'impression qu'il y a quelque chose dans l'âme de la plupart des jdr qui supplie qu'on les bricole.

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    3. Pauvre bouc émissaire.

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  5. Ouais... en même temps Apocalypse World pèse ses 300 pages alors que Puerto Rico doit en faire 40 grand max et Carcassonne s'explique en 4 pages. Donc suivre 300 pages "à la lettre", faut une sacrée motivation.
    Je dis pas que je le ferai pas. Je dis juste qu'on peut comprendre que les règles soient pas suivies à la lettre, il y en a beaucoup.
    Même dans Barbarians of Lemuria, t'as plus de règles que dans Age of Steam...

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    1. Les 4 pages de Carcassonne s'appliquent à chaque seconde du jeu, du début de la partie jusqu'à la fin.

      Les 300 pages d'un jdr quelconque s'appliquent quand la situation le justifie: les règles de création de perso s'appliquent hors jeu avant le début de la partie puis on n'en parle plus, les règles de magie druidique ne s'appliquent pas du tout s'il n'y a pas de druide dans le groupe, les règles de changement de niveau s'applique bien souvent après la partie une fois qu'on fait le décompte des XP,...

      Bref, je pense qu'on ne doit pas tout appliquer tout le temps parce que la plus part des règles visent des situations bien particulières. Si on réduit les règles d'un jdr à ce que le MJ doit avoir à l'esprit en permanence on abouti à quelque chose de bien plus compact et digeste.

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    2. En effet.

      300 pages, mais avec combien de redites didactiques, d'explications ? les règles essentielles tiennent toutes dans les playbooks. Approximativement : 1 page recto-verso pour chaque personnage, 1 pour les moves de base, 1 pour le meneur et 1 pour la 1e séance. En général cela suffit à répondre à toutes les questions si tu as lu le guide et sinon cela te rappelle au minimum que la règle existe, tu ne l'oubliera pas et tu sais comment elle s'appelle si jamais tu veux aller chercher une précision dans le bouquin.

      Celui-ci est d'ailleurs très didactique. Création de personnage ? Tu suis ligne par ligne ce qui est écrit. Première séance ? Idem. Et là tu es déjà presque à la moitié du guide.

      Franchement, à ce sujet, AW est un mauvais exemple. Tu aurais dit Shadowrun, d'ADD 1 ou 2, avec leurs extensions, là j'achète.

      Finalement, je crois que l'on peut distinguer l'attitude "j'adapte tout à ma sauce, de toutes façons" de "j'ai oublié une règle et suis retombé accidentellement sur une manière de procéder qui vient de ma culture ludique".

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    3. Et c'est pas comme si des jeux comme TWILIGHT EMPIRE ou ARKHAM HORROR avaient des règles compactes et simples, non plus.

      On fait de son mieux, pourtant.

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Je considère que vous avez lu la page d'avertissements et je modère en conséquence.