Cher gardien des arcanes, cher meneur de jeu fan de Sherlock Holmes, toi qui te plains que les scénarios d'enquête n'avancent pas et que les joueurs pataugent sans cesse, toi qui as vécu ces parties qui n'en finissent plus parce que les joueurs ont tous raté leurs jets de Trouver Objet Caché, je suis généralement contre le fait de faire endosser au MJ l'entière responsabilité du fun factor d'une partie de jeu de rôle, mais là, c'est de ta faute.
Parce que le fun d'un scénario d'enquête, son défi principal, n'est pas de trouver les indices. C'est de voir ce que les enquêteurs vont en faire.
Réfléchis cinq minutes. Tu as préparé une intrigue tortueuse, une situation riche et complexe, pleine de pistes et d'indices et de suspects et de ramifications. Et tout ça pour quoi ? Pour montrer tout ça aux personnages des joueurs et voir comment ils vont réagir. Pour voir ce qu'ils vont en faire. Pour qu'ils s'amusent à remonter les pistes et à suivre les indices et à voir l'intrigue se développer.
Alors tente le truc suivant : la prochaine fois qu'ils sont dans une pièce contenant un indice caché, ou face à un PNJ possédant des infos critiques pour le reste de l'intrigue, donne-leur l'info.
Bien sûr, insiste lourdement sur le fait que l'indice est super-bien caché, ou que le PNJ a lâché l'info sans le faire exprès. Ou fais-leur payer un prix, demande quelque chose en échange, fais-leur risquer leur santé pour l'avoir. Parce que c'est important, que cette info soit cachée. Tu veux que les joueurs sachent que quelqu'un a intérêt que ça reste secret.
Mais tu ne veux pas vraiment que ça reste secret. Ce que tu veux vraiment, c'est que les joueurs mettent la main dessus. Si personne ne le découvre, à quoi bon ? Tu trouves ça amusant, toi, les enquêtes où on suit un limier qui passe complètement à côté des informations importantes ?
Si les joueurs ne découvrent jamais la moindre piste, ils vont juste errer sans but en attendant qu'il se passe quelque chose, agir au petit bonheur la chance et tourner en rond jusqu'à ce que tu sois frustré et que tu leur balances un os à ronger. Et personne ne veut ça. Ce qu'on veut tous, c'est une partie qui bouge, une enquête qui avance, voir comment les PJ vont interpréter les indices, comprendre la situation à leur façon et décider comment résoudre l'affaire.
Alors tu le lâches, ton indice. Si tu jettes les dés, c'est pour voir s'ils l'obtiennent comme ça ou pas. S'ils vont devoir lâcher un truc pour l'avoir. S'il y a des conséquences malheureuses. Mais pas si ils le reçoivent ou pas : même sur un échec, ils l'auront. Ils encaisseront peut-être 1d6 dégâts dans la foulée ou ils vont devoir arroser le PNJ ou lui promettre quelque chose, mais l'indice ne sera jamais hors de portée. Vas-y tente le coup, tu seras surpris du résultat.
Franchement, à quoi ça sert, concrètement, de décider aléatoirement si les investigateurs ratent un indice crucial ou pas ? Qu'est-ce que ça peut apporter à la partie ?
Si les joueurs ne découvrent jamais la moindre piste, ils vont juste errer sans but en attendant qu'il se passe quelque chose, agir au petit bonheur la chance et tourner en rond jusqu'à ce que tu sois frustré et que tu leur balances un os à ronger. Et personne ne veut ça. Ce qu'on veut tous, c'est une partie qui bouge, une enquête qui avance, voir comment les PJ vont interpréter les indices, comprendre la situation à leur façon et décider comment résoudre l'affaire.
Alors tu le lâches, ton indice. Si tu jettes les dés, c'est pour voir s'ils l'obtiennent comme ça ou pas. S'ils vont devoir lâcher un truc pour l'avoir. S'il y a des conséquences malheureuses. Mais pas si ils le reçoivent ou pas : même sur un échec, ils l'auront. Ils encaisseront peut-être 1d6 dégâts dans la foulée ou ils vont devoir arroser le PNJ ou lui promettre quelque chose, mais l'indice ne sera jamais hors de portée. Vas-y tente le coup, tu seras surpris du résultat.
(Et si tu veux des jeux d'enquête qui tournent comme ça sans rien ajouter, jette un œil à Gumshoe, Inspectres, Monster of the Week ou Dogs in the Vineyard.)

Sinon, fais juste mieux : si tu ne joues pas en one shot, ne leur file pas les indices s'ils n'ont aucune raison de les trouver mais autorise-les à louper des enquêtes sans que cela ruine la partie/soirée. Ou qu'ils aient l'impression 1) d'être des couillons 2) qu'ils auront pas le droit de sortir de table tant qu'ils ont auront pas fini leur assiette.
RépondreSupprimerPar contre, fais leur jouer les conséquences de leur enquête échouée. Ce que tu as préparé resservira à ce moment là.
Cela fait des années que l'on ne fait plus de donjons avec une énigme en passage obligé qui empêche le groupe de jouer s'ils n'en trouvent pas la réponse, pourquoi le faire sur un scénario d'enquête ?
S'ils n'ont aucune raison de trouver les indices, pourquoi tu les as mis dans ton scénario ?
SupprimerOn s'est mal compris : ils jouent, prennent des décisions, font des choix. Si leurs choix ne les amènent pas vers une résolution, parce qu’ils ne sont pas adaptés à la résolution de l’enquête, ou pas cohérents, tu peux aussi choisir de ne pas les donner. Ce n’est pas forcément un manque de respect ou un pourrissage de la soirée si tu es cohérent avec ce que tu proposes.
SupprimerJe m’explique :
- soit tu joues une réellement une enquête (de façon prioritaire au fait de jouer un rôle donc. Ce n’est pas du tout un problème, mais il vaut mieux s’en rendre compte). Dans ce cas, tu es face à une énigme. Tu as un but à ta partie : la résoudre. Tu as un indicateur de la performance de tes joueurs (des points de victoire narratifs) et les bons joueurs seront en gros ceux qui la résoudront ou qui échafauderont les meilleures stratégies et tactiques pour aller dans ce sens (car le fait d’avoir un objectif te permet de créer des stratégies). Du coup, on est clairement dans un défi lancé à l’intelligence de tes joueurs (en caricaturant à peine) et on pourrait quasi zapper la plupart des conflits habituels de jdr qui sont hors sujet dans ce cadre. On peut également prévoir un mode « dégradé », avec des indices pouvant être demandé à un prix, exactement comme une énigme classique (sans le décorum prétexte jdr). Les défauts, on les connaît tous : la soirée tourne autour de ça, il n’y a rien à part l’enquête/énigme, et il vaut mieux permettre de donner sa langue au chat plutôt que de forcer les joueurs à rester jusqu’à ce qu’ils aient une illumination où qu’ils s’endorment sur place ;
- soit tu joues une tranche de vie de personnages dont le métier, ou juste l’activité présente, est d’enquêter. Dans ce cas, la prépondérance est sur le rôle et les conflits classiques, et pas sur le défi intellectuel. Dans ce cas (le plus intéressant à mon sens si tu peux te permettre de jouer autrement qu’en one shot), les personnages ont le droit d’échouer et de ne pas réussir, ce n’est pas grave. Le monde continue à tourner, ta partie n’est pas limitée à ça. Ils ont des gens à qui ils doivent rendre des comptes, des conséquences auxquelles ils devront faire face, etc. Et cela peut même assez facilement amené une situation plus intéressante que la simple enquête. Par exemple s’ils doivent absolument nommer un coupable quitte à ce que cela ne soit pas le bon, s’ils sont d’accord avec le coupable, etc. Dans ce cas, tu ne t’ennuies pas parce que tu ne trouves pas la solution, parce que le but de ta partie n’est PAS de résoudre l’enquête, mais de jouer tes persos (ce qui est un peu léger amha) et que tu peux continuer à le faire.
A mon avis, les scénarios d’enquête chiants ne viennent que d’une chose : un objectif pas clair qui fait que les joueurs ont le sentiment (vrai ou pas) de ne pas pouvoir échouer ou abandonner. Amha, l'idéal est qu'ils le puissent, le sachent, mais qu'on leur donne toutes les motivations pour qu'ils s'y refusent.
Une bon indice est de savoir si tu te ressens le besoin d’expliquer le pot aux roses aux joueurs à la fin de la partie (s’ils ne trouvent pas). Amha, le mieux, c’est quand tu ne ressens pas le besoin, parce que cela pourra resservir et que l’enquête n’est pas qu’un défi mais vient grossir ce qu’a vécu le perso.
Tu aurais dû mettre une photo de Pierre Bellemarre...
RépondreSupprimerL'autre solution c'est d'avoir des enquêtes où il ne faut pas trouver tous les indices, qu'une fraction suffise. Si la fraction et l'ordre de ces indices détermine la vision des personnages (et donc l'histoire), et on a quelque chose d'intéressant.
RépondreSupprimerSi les personnages trouvent un coupable, mais ne réalisent pas que Keyser Söze n'existe pas, il y a quand même eu une histoire.
...et si tu te bases sur un jet de dés pour savoir quels indices ils trouvent ou pas, tu te retrouves avec un certaines chances qu'ils n'en trouvent aucun.
SupprimerNon vraiment. Je ne vois pas vraiment d'intérêt à pondre des indices pendant ma prépa que les joueurs peuvent ne pas voir. Je prépare mon scénario pour le révéler à mes joueurs, sinon c'est du temps pour rien.
"Une certaine chance", je sais pas trop ce qui s'est passé.
SupprimerComme dans une soirée enquête. Si tu veux qu'une soirée enquête tourne, il faut que trois personnes soient au courant de chaque secret. Les deux personnes concernées (qui n'ont _aucune_ raison de révéler leur implication) et une troisième personne, extérieure, qui possède un début de commencement d'indice et qui pourra donc la révéler sans trop de conséquence pour elle (généralement, elle va la négocier au prix fort).
SupprimerComme dans une soirée enquête tu n'as généralement pas de système de jeu, pas de jets de dés, etc. il _faut_ que les informations circulent. Or, les personnages n'ont aucun intérêt à révéler leurs propres secrets, d'où cette technique du (nombre de concernés)+1...
Tu peux _aussi_ faire ça dans un scénario d'enquête : doubler, tripler les indices clef. En fait, tu parles de Gumshoe et, justement, un des points de Gumshoe consiste à bien identifier les scènes clef du scénar (avec les indices que tu dois donner gratos) et les scènes annexes (obtenues par les indices supplémentaires quand un PJ claque des points, note que ça peut être un raccourci sur les scènes clef). Ce faisant, une fois les indices clef clairement identifiés, tu peux les dupliquer, les tripler, etc.
Tiens, j'en profite pour citer *encore une fois* le très saint Vince Baker :
RépondreSupprimer"Mes PJs arrivent en ville. J'ai quelqu'un qui vient leur parler. Ils demandent si tout se passe bien. Le quelqu'un dit que, en gros, tout se passe bien. Les PJs demandent "en gros ?" et je suis tout "oh oh, ils vont se rendre compte que quelque chose tourne pas rond dans ce village. Vite, bluffons et restons impassible."
Et puis je suis tout "une minute. Je veux qu'ils captent que le village ne tourne pas rond. En fait, je veux leur montrer en quoi le village ne tourne pas rond. Sinon, ils vont se perdre dans le village en attendant que je lâche un indice, je vais continuer à bluffer et tout le monde va s'emmerder ferme toute la soirée".
Donc, au lieu de répondre "oh non, je voulais dire que tout va bien et je vais vous laisser maintenant", le PNJ lance sa tirade : "Tout va très mal ! Telle personne couche avec telle autre personne et pas avec moi, ils ont assassiné l'instituteur et le sang coule des murs de la salle communale tous les soirs !" Et après ça, la partie va quelque part."
Après ça, la partie va quelque part.
Ou, pour reprendre un autre de tes exemples, le MJ peut aussi dire:
SupprimerLe gars répond "oh non, je voulais dire que tout va très bien", mais il a l'air d'un seul coup très nerveux, il regarde autour de lui comme s'il avait peur que quelqu'un l'entende, puis il s'en va précipitamment.
Oui voilà. Si tu ne veux pas que les joueurs ratent un détail, tu l'annonces direct à leurs personnages :
Supprimer"Le mec cache quelque chose, ça se lit sur son visage."
Paf. Cash.
Euh, je suis le seul qui trouve la tirade de V. Baker invraisemblable ?
Supprimer"Le PNJ lance sa tirade : "Tout va très mal ! Telle personne couche avec telle autre personne et pas avec moi, ils ont assassiné l'instituteur et le sang coule des murs de la salle communale tous les soirs !"
Un MJ qui me fait parler un PNj comme ça, je lui ris au nez. Simplement parce que personne se confie à un étranger de cette manière. Je préfère les deux versions que toi et Alias donnez après, un peu moins absurdes.
C'est tiré de Dogs in the vineyard, où ça a du sens puisque chaque joueur incarne un chien de Dieu, nomade qui fait office de guide moral, autorité religieuse et bras armé de la justice. C'est loin d'être un étranger, plutôt LA personne à qui confier ses problèmes.
SupprimerEt pourquoi ne pas travailler avec des « niveaux de réussites » et des « niveaux d’indices »? C’est un truc qui a marché pour moi, je m’explique.
RépondreSupprimerUne enquête à trois niveaux : le premier niveau, basique, c’est « Qui a fait quoi et comment », c’est le B.A.-BA de l’enquête, la bonne raison d’envoyer le tueur croupir en prison. S’y rapportent donc les indices de « Niveau 1 » que l’on donne aux joueurs quoi qu’il arrive. La partie avance, les joueurs doivent interpréter la série d’indices et la partie avance
Le second niveau, c’est le « Pourquoi ». Certains diront qu’il s’agit du mobile, mais, soyons francs, si j’ai la preuve que le type était sur les lieux avec l’arme du crime et l’opportunité, je n’ai pas besoin de savoir que sa mère est morte d’une intoxication causée par la firme de la victime pour envoyer le meurtrier à Sing-Sing. Les indices de niveaux 2 sont ceux qu’on peut louper en cas de « grosses conneries » des joueurs : taper trop fort sur un témoin, foutre le feu à la scène de crime, etc. Si les joueurs tombent sur la série d’indices, ça ne fera qu’approfondir la psychologie du criminel, mais en aucun cas ces indices ne sont obligatoires pour comprendre l’essentiel de l’affaire.
Et enfin, le troisième niveau, c’est « qui tire les ficelles ». On tombe ici dans le petit grain de sable qui a fait passer le criminel à l’acte. Sa mère est morte depuis dix ans, pourquoi se venger aujourd’hui ? Les indices de niveau 3 doivent se mériter. Il faut que les joueurs fassent montre d’une grande implication dans l’enquête pour obtenir lesdits indices et reconstituer le puzzle derrière le crime.
En appliquant ce système, on a une enquête « faisable » qui récompense les joueurs qui s’impliquent et qui, tel Sherlock Holmes, vont chercher plus loin que le bout de leur nez sans pour autant pénaliser une équipe un peu moins intéressée. Et vous constaterez que je n’ai jamais parlé de « rater l’indice sur un jet de dé » parce que le TOC, ça ne sert pas à savoir si on trouve l’indice, mais qui trouve l’indice.
J'ai souvent ce problème à Trinités. Il y a régulièrement des détails cruciaux à découvrir via un test (avec deux ou trois compétences utilisables pour ce test), et mes joueurs parviennent souvent à ne maîtriser aucune des compétences nécessaires.
RépondreSupprimerDu coup je dois partir en impro, et à cause de la structure des scénars officiels, je n'arrive jamais à retomber sur les pistes du scénario initial...
Les parties restent bonnes, mais on perd un peu de l'intérêt du jeu occulte contemporain.
Raphael: C'est entre autre pour cette raison que j'ai arrêté trinité: enquêtes mal branlées à passages obligés et autres "il est essentiel que les PJ résolvent cette énigme".
SupprimerConcernant les scénarios d’enquête.
je trouve que c'est souvent basé sur une fausse bonne idée: proposer des énigmes qui vont permettre aux JOUEURS de se sentir comme des Sherlock Holmes modernes. Sauf que le piège est là: on entre vite dans une sorte de jeu dans le jeu. Chacun va chercher à montrer qui a la plus grosse intelligence, et il y aura toujours un petit malin qui dira au bout du deuxième indice "ça y est j'ai tout compris".
Sauf que ça fait une belle jambe aux personnages, tout ça. Pour eux, pas d'indice = pas de bras, pas de chocolat. C'est bien sympa de se pointer devant Tchao Lin et de lui dire "C'est toi le meurtrier!", sans preuves, il rira au nez des personnages et il les enverra balader ...
Mais la chasse aux indices elle même est quelque chose de long est fastidieux... si il n'y a aucun objectif ou aucune tension.
Un peu comme dans un combat en fait. Louper un indice et foirer une enquête revient a perdre un combat parce qu'on avait pas la bonne arme. D'un autre coté, réussir automatiquement une enquête équivaut à réussir automatiquement un combat. Ça n'a pas de sens et c'est très frustrant ...
Il y a quelque temps j'ai fait une partie de "Crimes", jeu d'enquête par excellence, qui impliquait plusieurs enquêtes sur plusieurs délits n'ayant, pour certains, aucun liens entre eux.
RépondreSupprimerIl y avait bien entendu une trame principale avec des passages obligés et un dénouement inévitable mais il y avait aussi des enquêtes secondaires qu'on pouvait se permette de foirer, voir même de laisser tomber en cours de route si on s'estimait trop mal embarqués. Et de fait, on en a laissé tomber une ou deux faute de piste.
Pour ce qui est de l'enquête principale, un tueur en série, il était en fin de compte inévitable qu'on découvre le coupable (sinon la partie aurait périclité et ça aurait été pénible pour tout le monde, MJ compris). L'enjeu était alors de trouver le grand méchant le plus vite possible, idéalement dès la deuxième victime, et non d'attendre le dixième cadavre à partir duquel les indices devenaient tellement nombreux et concordants qu'il était impossible de ne pas deviner l'identité de l'auteur.
Pour les enquêtes secondaires, à partir du moment où on a pris conscience qu'on pouvait les foirer sans que le MJ nous vienne en aide pour sauver le scénar, les résoudre est devenu d'autant plus gratifiant.
Je pense que cette façon de fonctionner mérite qu'on s'y intéresse et constitue peut être une bonne approche des scénario d'enquête.