...je sors mon revolver. "Narrativiste", quelle horrible locution. Il faut vraiment arrêter. Et parce que je tout plus que vous*, je vais vous expliquer pourquoi.
Il y a longtemps, fort longtemps, existait un forum depuis fermé appelé The Forge. C'était une sorte de réserve naturelle, sauf qu'à la place des indiens des animaux il y avait dedans des types qui discutaient théorie de conception des jeux de rôles. Ron Edwards, le fondateur, avait une marotte théorique appelée le gros modèle (the big model dans la langue de Michael Bay). Je ne vais pas vous casser les gonades à vous expliquer à quoi il servait — principalement parce que je n'en ai pas la moindre idée — mais Ron, à un moment de son travail, eût besoin d'un terme pour qualifier les jeux qui poussaient la dramaturgie des parties vers l'avant. Des jeux comme Dogs in the Vineyard qui traduisent un schéma narratif en règles de jeu et font que chaque choix des joueurs a des conséquences sur le déroulement de l'histoire et l'intensité dramatique (en gros).
Et ainsi , une nuit d'orage, alors que la foudre illuminait son visage déformé par un rictus insane, Ron Edwards inventa le terme "narrativiste".
Le problème fut double. D'un côté, les essais de Ron Edwards sur le sujet sont particulièrement opaques et l'utilité du terme fort nébuleuse : personne n'est d'accord sur ce que ça veut dire ou à quoi ça sert. De l'autre, Ron Edwards avait comparé les gens jouant aux jeux de rôles "traditionnels" à des personnes au cerveau endommagé, et c'était assez mal passé auprès de l'écrasante majorité des rôlistes (fatalement). Du coup, le terme a pris une belle connotation négative.
Au final, déformé par le téléphone arabe, le terme "narrativiste" est utilisé grosso merdo dans deux cas :
1. Par des gens qui s'abreuvent au Gros Modèle, qui ne sert à rien, pour qualifier des jeux qui développent naturellement, par l'application des règles, un schéma narratif ou l'autre durant la partie (Dogs in the Vineyards, Sorcerer). Une distinction pas super utile, quelque part. Principalement parce que tous les jeux de rôles ont des règles qui influencent le déroulement de la partie, sinon elles ne servent à rien, et que cette influence oriente l'histoire qui se déroule à la table d'une façon ou d'une autre, puisque les PJ en sont les personnages principaux et que les actions des personnages principaux et leurs conséquences directes ou indirectes, c'est un peu ça une histoire.
2. Par des gens qui n'aiment pas ou ne connaissent pas le Gros Modèle, et qui utilisent ce terme à tort et à travers, sans définition commune, et le plus souvent pour signifier "des jeux que j'aime pas et qui ne ressemblent pas à Donj'". Dans ce groupe de personnes — représentant l'énorme majorité des rôlistes — "narrativiste" n'a aucune définition centralisée. Je l'ai vu utilisé pour qualifier :
- des jeux sans MJ comme Remember Tomorrow ou Fiasco
- des jeux où tout le monde est MJ comme Microscope ou Universalis
- des jeux où on joue plusieurs personnages ou on fait tourner le MJ, comme Ars Magica
- des jeux où les joueurs ont un contrôle direct sur autre chose que leurs personnages, comme Adventure! ou les dérivés de Fate
- des jeux avec des règles précises pour le MJ, comme Apocalypse World ou 3:16 - Carnage dans les Etoiles
- des jeux qui essaient de reproduire un genre, comme Wushu ou Tech Noir
- des jeux freeform où les règles sont floues et on s'arrange entre nous, comme The Window ou Everway
- des jeux où les règles sont hyper-strictes pour tout le monde au niveau temps et tour de parole, comme Polaris
- des jeux où les règles parlent des sentiments et des pensées des personnages, comme Unknown Armies ou Vampire : la Mascarade
Bref, selon la personne à laquelle vous vous adressez, n'importe quel jeu de rôles, de La Guerre des Etoiles à Dungeons & Dragons 4th edition peut devenir comme par magie un jeu narrativiste. Et, j'insiste, quand votre interlocuteur décrit tel ou tel jeu comme étant narrativiste, je vous parie mon slibard fétiche qu'il ne l'aime pas. "Narrativiste", si on doit le définir d'après l'usage actuel — de façon descriptive, comme disent les jeunes — signifie tout simplement "pas comme mon jeu préféré."
Nous avons donc une catégorie de jeu qui a. ne sert à rien, b. ne veut plus rien dire et c. sert principalement à dire du mal des jeux qu'on n'aime pas. Et même quand il est utilisé à raison, ce terme a 2+ sur 1d10 chances de provoquer un réflexe de refus en face. Et le plus beau, c'est que tout le monde est persuadé de savoir de quoi on parle et prend des décisions sur base de sa définition personnelle.
C'est comme les "jeux à l'allemande" : pendant tout un temps, tous les jeux de sociétés ressemblaient peu ou prou soit au jeu de l'oie, soit au sept familles. Et pis d'un coup, on a eu Les Colons de Catane et paf, tout le monde parlait des "jeux à l'allemande" pour désigner des trucs qui ne ressemblaient pas au Monopoly. Même les jeux à l'américaine. Au bout d'un temps, on a arrêté toutes ces bêtises inutiles et on a parlé de jeux de société, tout court.
Et ben là, c'est pareil : 90% des jeux de rôles ressemblent à Donj' et si c'est pas le cas, c'est du narrativiste.
Bref, à mon humble avis,
LE TERME "NARRATIVISTE",
C'EST CON ET CA SERT A RIEN.
Je propose donc le point Edwards. C'est un peu comme le point Godwin, mais avec moins de nazis. Le principe d'Edwards est le suivant : plus une discussion sur un ou plusieurs jeux de rôles avance, plus les chances de voir sortir le terme "narrativiste" approche de 1. Le point Edwards est atteint lorsque quelqu'un utilise effectivement "narrativiste" dans la discussion : tout le monde a perdu et la conversation devient à partir de ce moment une perte de temps pour tous ses participants.
Et au lieu de dire "jeu de rôles narrativiste", tu diras "jeu de rôles" tout court et tu verras, le monde sera plus joli.
(Dans la série des autres termes à la con que j'aimerais voir crever sur un trottoir humide et mal éclairé, les tripes à l'air, il y a aussi casual gaming.)
*Les verbes, ont les sauvagement dans les toilettes. (©Tonton Alias).

Excellent...
RépondreSupprimerPeut-être faut-il rajouter à la page d'avertissement le mot narrativiste dans la liste en -isme :-D
Tous les éléments de ce paragraphe semblent s'appliquer au mot en N
Il y a 20 ans, on a eu la même chose avec le "storytelling" :-)
RépondreSupprimerEt la prochaine fois, on veut la photo du slibard fétiche!
100 % d’accord.
RépondreSupprimerJe n'ai de cesse de "corriger" les arrivants sur le forum, induits en erreur par le nom du site. Narrativiste.eu a été choisi dans la lignée de Narrattiva, et "narrativ-iste" s’entend pour "celui qui fait des jeux narratifs" (Comme rol-iste)
Mais je pense depuis longtemps a le changer pour ces raisons: http://www.narrativiste.eu/forum/developpement-du-site/changement-de-nom-du-site-et-des-editions-votre-avis/
Oui aussi à 100 % pour le fait que ce terme est utilisé comme repoussoir par les joueurs extérieurs au truc et attachés a une pratique « traditionnelle ».
Et c’est la que nos conclusion divergent.
Car si des termes sont employés, même a tord, c'est bien qu'il y a une nécessité de différencier des jeux qui sont dans leur pratique (sans aller plus loin), bien différent et qu’il y a une scission de fait entre les pratiques.
Ajoutons à cela que le terme JDR fait fuir l'immense majorité des non-joueurs, alors que les ressorts et l'investissement demandé sont souvent très différent dans ce type de jeu (je renvoie à l'article de Jessica Hammer sur V. Baker essayant de vendre Dread à une convention).
Pour eux, parler de "JDR", c'est renvoyer vers "Donjons et dragons", et leur envoyer un mauvaise signal sur le contenu.
Au final, on est plusieurs à utiliser le terme « jeu narratif », comme traduction de « Storygame », plutôt que JDR.
Ca ne renvoie pas à une théorie XY (quoique en français, c'est proche) et c'est neutre.
Les italiens de Narrativa on pendant longtemps utilisé seulement ce terme ( plus récemment, celui de JDR "indépendant" que j'utilise également en fonction du public et de la nature du jeu, comme pour Lacuna).
La boite à Heuhh a suivi la meme voie ( avec un article sur les jeux narratifs dans feu la revue JSP en 2010), avec la meme inflexion il me semble.
En conclusion: oui, "jeux narrativistes", "jeux de role narrativistes", c'est impropre, pas beau, "confusionnant" et ghettoisant.
Mais JDR, ça donne de mauvais (ou faux) signes sur le contenu de ces jeux, et ça fait fuir ceux qui pourraient y venir, d'autant plus que la différenciation est reelle et installée.
"Storygames" ou "jeux narratifs" est un bon compromis pour nommer les jeux qui s'éloignent du JDR "classique" (pas de MJ, pas de scenar, partage de la narration, conception globale, etc... etc...).
JDR "indie" pour ceux qui sont proches et/ou qui s'adressent aux rolistes. Ou alors, comme pour DW, des appellations à géométries variables suivant les publics visés.
Enfin bon, c'est mon avis. Apres je suis conscient que c'est tres minoritaire chez les rolistes actifs et bi-classés qui tâtent des deux, c'est à dire la situation actuelle dominante.
Encore que, c'est une autre question, mais je me demande si ceux qui viennent aux jeux indies/storygames continuent vont continuer de jouer à des JDR "classiques" sur le long terme.
Oui, je voulais quand même ajouter au-delà de arguments intelligents (ie. pas les miens) que je n'ai absolument rien contre Narrativiste, le site et la maison d'édition, qui sont des gens très bien, très beaux et qui sentent très bons.
RépondreSupprimer;)
RépondreSupprimerTant que tu y es, si tu nous aide a trouver un autre nom, sachant que tu es bien placé pour connaitre la ligne éditoriale...
Daccord sur ton analyse du problème - je ne sais pas si le point Edwards prendra sur les forums, mais je me pose une question sur ta non-définition du mot "narrativiste".
RépondreSupprimerEst-ce qu'au départ, ce n'était pas simplement un des trois termes qui servait à qualifier les trois orientations (la dernière fois que je m'y suis intéressé, le Big Model dont tu parles s'appelait Threefold Model) vers lesquelles tout JdR va plus ou moins ?
À savoir Gamist (pour les jeux qui font du ludique et mettent en avant le challenge, la tactique, etc.), Simulationnist (ceux qui essaient de coller à une réalité/ambiance) et Narrativist (les systèmes visant à favoriser l'histoire).
Je cherche pas à étaler ma confiture, je veux juste comprendre d'où vient ces glissements du sens d'un mot qui me semblait très bien défini.
en fait le modèle tripartite est ce qui a servi de base pour construire quelque chose de plus complexe, appelé le Big Model. Il s'est d'ailleurs séparé des trois termes que tu évoques. Mais le mieux pour tout piger est d'écouter l'excellent numéro du podcast de la Cellule qui y est consacré :
Supprimerhttp://cellulis.blogspot.fr/2010/08/podcast-hs-le-big-model.html
Petite rectification. Le GROG n'a pas décidé de ne pas ficher les jeux "narrativistes", amsi les jeux "narratifs" (les storygames comme le rappelle un des commentaires ci-dessus, dans lesquels la composante rôle finit par disparaitre). La frontière peut être ténue par moments (sur quelques jeux pour lesquels les sensibilités des grogistes même "s'affrontent") mais c'est la seule distinction.
RépondreSupprimerOkay, merci de la précision. Toutes mes confuses, au temps pour moi, je corrige le texte. Deux questions là-dessus :
Supprimer- c'est quoi votre définition de "jeux de rôle", c-à-d les critères minimaux pour être fichés sur le GROG ?
- est-ce que vous ficheriez Oui, Seigneur des Ténèbres ou Murderous Ghosts ?
Le seul critère sur lequel on est arrivés à se mettre d'accord est "un jeu dont les membres du GROG estiment que c'est un jeu de rôle". Oui et MG je ne les connais pas donc je ne me prononcerai pas.
SupprimerJe vais dire "personnellement", la question est "est-ce qu'il y a un rôle". J'ai vu mentionner Remember Tomorrow qui pour moi n'a pas de rôle. L'un des joueurs prend une "position" et le(s) autre(s) une "opposition".
Pour le terme de "position", le "I have no words and I must design" original de Costikyan (dans Interactive Fantasy #2) m'avait permis de clarifier pour moi-même ma vision du truc.
Et pourtant, L'auteur de R:T, Gregor Hutton, dit bien que son jeu est un jeu de rôle. Et il y a le principe de rôle privilégié : parmi tous ces persos, y'en a un qui est le TIEN, et que les autres ne peuvent pas prendre sauf si tu décides de t'en séparer.
SupprimerEt même : quid des jeux comme Ars Mag alors ? Plusieurs MJ, plusieurs persos par joueurs, des persos communs qui changent de main en main... J'ai vu des tables où personne n'a un perso privilégié, c'est un style supporté et encouragé par les RAW...
Bref, c'est vraiment parce qu'on pinaille, quoi. Je vais pas m'en faire du psoriasis non plus. Mais bon.
Disons que tu as deux gros tas identiques de jeux à trier en "Jdr" et "pas jdr". Pour un truc comme le GROG, je trouve, tu as intérêt à avoir une définition qui permette le tour suivant : si tu fournis ta déf à quelqu'un d'autre que toi et que vous triez chacun votre tas, au final, vous aurez le même résultat.
SupprimerSinon on risque de dériver salement ou de ne ficher que les même types de JdR encore et encore et de zapper des jeux qui sortent un brin du pentaptyque "caraque/compète/pv/xp/pouvoirs" non ? Sans définition, tu agglutines ta sélection au style "moyen" du JdR, en excluant la périphérie.
Si les obsessions indies amerloques prennent et traversent l'Atlantique, j'ai l'impression qu'on risque de voir arriver pas mal de casual RPG, dans l'avenir. Des jeux qui sont bien du JdR, avec son perso et tout, mais pas nécessairement des jeux "comme on les connaît" : des trucs en boîte ou en petits livrets, avec des cartes ou des plateaux ou quoi, peut-être sans fiche de perso ou sans dés, des jeux prévus pour jouer une heure ou deux, etc. Des trucs comme Murderous Ghosts ou Oui, Seigneur des Ténèbres justement. Ca sera bien du JdR, tout comme Bejeweled est un JV, mais avec un niveau de complexité et d'implication plus léger.
Ca serait dommage de passer à côté parce que la forme ne ressemble pas au sempiternel "360 pages de bouquin, une fiche de perso A4 r/v et des dés bizarres", je trouve. Mais d'un autre côté je n'ai aucun cheval dans la course : je fous rarement les pieds sur le Grog.
(La réponse est franchement bienvenue mais pas obligatoire, j'essaie juste de sortir un truc de ma tête parce que ça me démange.)
"L'auteur de R:T, Gregor Hutton, dit bien que son jeu est un jeu de rôle."
RépondreSupprimerCela ne signifie pas que c'en soit un. Sinon, comme le soutenait qqun il y a un ou deux ans, D&D n'en est pas un parce que à l'origine il ne s'appelait pas comme ça. Il se présentait comme un wargame. De la même façon, il y a un certain nombre de jeux créés en réfléchissant à partir des JdR, que leurs auteurs ont appelé JdR faute d'un terme plus adapté.
J'ai pas mal trouvé bizarre par exemple que pour certains jeux où la composante rôle est absente, qui tiennent plus du Il Etait une Fois formalisé que de n'importe quel JdR, les auteurs ou les joueurs tiennent à les appeler JdR, comme s'ils craignaient d'aborder une autre façon de jouer, alors qu'il y a quand même plusieurs années maintenant que ces jeux existent. C'est un peu comme si RQ et CoC avait été vendu sous l'appellation wargames parce que leurs auteurs avaient eu un blocage.
RT, j'y ai jeté un oeil et franchement tel que je l'ai perçu, le "rôle" est aussi développé que celui du maire de la ville que tu prends dans Sim City. C'est une position et pas un rôle (AMHA hein, cf. Costikyan encore).
"Disons que tu as deux gros tas identiques de jeux à trier en "Jdr" et "pas jdr". Pour un truc comme le GROG, je trouve, tu as intérêt à avoir une définition qui permette le tour suivant : si tu fournis ta déf à quelqu'un d'autre que toi et que vous triez chacun votre tas, au final, vous aurez le même résultat."
Il y a déjà un problème de base, là. Indépendamment des jeux indies, tu peux trouver des threads de X pages pour décrire un JdR. Tu as autant de difficultés à cerner quels sont les jeux "encore JdR" et "plus JdR" parfois (lorsqu'on a un jeu limite, plusieurs le lisent et ensuite mettent leurs avis en commun pour prendre une décision). Enfin un jeu de règles officielles vers l'extérieur a le problème de figer la situation.
Maintenant si tu estimes que le GROG ne fiche que des trucs dans le moule "caraque/compète/pv/xp/pouvoirs", est-ce qu'on a la même URL ? (Note que la réponse est plus bas dans ta question : "je fous rarement les pieds sur le Grog.")
"Si les obsessions indies amerloques prennent et traversent l'Atlantique, j'ai l'impression qu'on risque de voir arriver pas mal de casual RPG, dans l'avenir. Des jeux qui sont bien du JdR, avec son perso et tout"
Tu admettras qu'on peut avoir une différence de vues sur l'utilisation de "son perso". Si le "perso" est un outil pour raconter une histoire, manipulé comme le ferait un écrivain -et la façon de les définir dans certains jeux est exactement sur ce plan là- et pas comme le ferait un acteur, pour moi il n'y a pas de rôle dedans. Il y a utilisation. Dès lors, Story Game, jeu narratif, autre dénomination similaire est plus indiqué que jeu "de rôle", non ?
"Ca serait dommage de passer à côté parce que la forme ne ressemble pas au sempiternel "360 pages de bouquin, une fiche de perso A4 r/v et des dés bizarres", je trouve."
NB : mes accès au net vont être assez rares pendant quelques jours, donc je ne garantis pas une réponse après celle-là.
En fait, je ne prétends pas avoir une définition unique que ce qu'est un JdR, mais je pense qu'avoir la définition la plus large possible est une bonne chose.
SupprimerEt je pense que quand on décide de se dire "on va recenser les jdr", et qu'on va pas le faire tout seul, c'est bien de savoir ce qu'on appelle un jdr de façon opérationnelle (ie. mon histoire de deux tas.) Ca sera pas la seule déf valable, et rien n'empêche de continuer le débat selon l'actu pour la faire évoluer, mais faire sans c'est risquer a) de pinailler sur certains trucs et b) de s'égarer dans sa ligne éditoriale, je trouve.
Quant aux story games, ma position est : tous les jdr sont des story games, mais pas l'inverse.
J'appelle story games, ou "jeux d'histoires", tout jeu qui tourne autour d'une fiction, qui prend cette fiction au sérieux (les règles se rapportent à ce qui se passent dedans). C'est un jeu où on raconte, et ce qu'on raconte est le terrain de jeu. IEUF est un jeu d'histoires : tu peux ou non jouer une carte selon le contenu de la fiction, pas selon la position des accessoires de jeu.
J'appelle jeu de rôle un story game où on incarne un ou plusieurs personnages. En plus de raconter ce qui se passe (ou de laisser le jeu nous raconter quelque chose), on interprète des personnages. Le niveau d'implication compte peu : tu as un ou plusieurs personnages et tu racontes ton truc de leur point de vue, et les règles prennent ça en compte.
Donc : Horreur à Arkham n'est pas un jeu de rôle, puisque pas un story game (même si on peut en tirer une fiction, les règles ne font référence qu'aux accessoires et aux joueurs, pas à la fiction ou aux personnages : ce que tu racontes "autour" des règles n'influence pas la partie. Si tu vas sur la case "antiquaire", tu pourras roleplayer tant que tu veux, tu n'auras pas une remise.)
Il était une fois est un story game, mais pas un jeu de rôle, puisque tout est raconté à la 3ème personne limite omnisciente : les joueurs n'incarnent pas les personnages de la fiction, même s'ils les animent. Tout le monde est MJ, personne n'est joueur.
RT est définitivement un jdr et malgré ses défauts, il part du principe que tu interprète ton personnage comme le ferait un acteur d'impro, et ses actes dans la fiction influencent les règles (pas super-bien mais c'est là).
(Faire attention que dans une partie de RT, c'est pas l'opérateur qui joue : lui, il mène. C'est le joueur qui va se prendre la scène sur la tronche qui joue son personnage. Le joueur actif est MJ, la "victime" est PJ. Ce qui se tient vu la thématique, quelque part.)
Et je ne prétends même pas que ça tient la route ou que ça serve à quiconque autre que moi. Mais ça m'aide de me dire qu'on a 1) des jeux, parmi ces jeux 2) des jeux de société, parmi ces jeux de société 3) des story games, et parmi eux 4) des jdr. Qu'on peut jouer sans personne, jouer à plusieurs sans raconter, jouer en racontant mais sans interpréter, et faire tout ça à la fois.
Et j'ai peu dormi et je ne suis pas clair.
Sinon :
Supprimer"RT, j'y ai jeté un oeil et franchement tel que je l'ai perçu, le "rôle" est aussi développé que celui du maire de la ville que tu prends dans Sim City."
Hum, non ?
Je veux dire : à Sim City, tu peux juste fermer ta bouche et cliquer et le jeu tourne pareil.
A RT, tu dois raconter ce que ton personnage fait et pourquoi, et comment il réagit face aux conséquences de ses actes, sinon le jeu ne tourne pas. On ne sait pas quelle condition il risque de se prendre sur la face, ce qu'il peut gagner du conflit, s'il va pouvoir seulement jeter les dés, etc.
Tu dois interpréter ton personnage, aussi lapidairement que tu le souhaites, mais tu dois le faire, sinon les règles ne tournent pas. Un peu comme si tu refusais de bouger une pièce aux échecs. L'intérêt du jeu, et ce qui déclenche telle ou telle règle, c'est le fait d'interpréter un personnage.
Maintenant, tu as peut-être une définition d'interpréter un peu moins basique que la mienne. Mais bon, si "raconter ce que mon perso fait et parler pour lui et savoir ce qu'il pense" c'est pas interpréter un perso, je sais pas très bien ce qui l'est.
"Tu admettras qu'on peut avoir une différence de vues sur l'utilisation de "son perso". Si le "perso" est un outil pour raconter une histoire, manipulé comme le ferait un écrivain -et la façon de les définir dans certains jeux est exactement sur ce plan là- et pas comme le ferait un acteur, pour moi il n'y a pas de rôle dedans."
SupprimerTu as les bons chasseurs, et les mauvais chasseurs.
Comment tu fais la différence de l'extérieur entre un joueur qui "manipules" son perso et un autre qui l' "interprète" ? "Ca se sent" ne me satisfait pas.
Ta distinction me semble zarb, parce qu'elle fout au bac non pas des jeux, mais des tables. Et là on parle de jeux, pas de tables.
Prenons une table de l'Appel de Cthulhu qui joue le scénario du bouquin de base de la 4ème, "La Maison Hantée" je pense. Le MJ suit les limites claires du scénario. Les joueurs sont là pour voir s'ils vont arriver à percer le secret de la maison avant de devenir fou ou de crever comme des bêtes. Les joueurs se contrefoutent de la psychologie de leurs personnages, de leurs intérêts personnels, de leurs sentiments ou quoi : ce sont des pions, ce qui compte, c'est de faire survivre à tout prix leurs personnages et d'accomplir l'objectif de la partie. Ils ont choisi leurs métiers pour les compètes que ça donne : après tout, on s'en fout, pendant l'aventure ils ne seront pas en train de bosser. Ils seront en train d'explorer une maison hantée.
Par contre, ça, ils le font bien : ils racontent chacun en détail ce que font leurs personnages pour explorer la maison, ils méritent leurs jets d'idée et de TOC et quand ils foirent leurs jets de santé mentale, ils racontent de façon cohérente et intéressante comment leurs personnages paniquent, fuient, pètent un câble... Pareil pour les blessures, d'ailleurs. Ils se tiennent le bras, ils grimacent, ils grognent "putain ! ça fait mal"... et puis ils se marrent, parce que c'est fun de se faire casser un bras quand c'est pas vraiment le sien. Ils sont bons joueurs, et le MJ aussi : il suit son scénario, en rajoute au niveau ambiance avec ses descriptions et l'interprétation de ses PNJ, mais on est là pour voir si les joueurs vont "gagner" le scénario, par pour écrire un roman.
J'ai l'impression que tu me dis que ces types-là font bien du CoC, mais pas du jeu de rôle.
Et j'ai moi envie de dire que s'ils jouent à CoC — et ils le font — ils font fatalement du jeu de rôle.
Mais j'ai peut-être rien capté à ce que tu racontais et je suis peut-être en train de tourner à vide.
Ce que tu me racontes sur l'interprétation, ça me rappelle les "stances". Et il se trouve que plein de gens jouent au JdR sans nécessairement être "acteur". Certains sont "metteur en scène" ou "auteur" même en tant que PJ. C'est comment tu prends tes décisions.
Mais ce qui pour moi fait un JdR ou un story game ou un jeu de société ou quoi c'est pas comment tu prends tes décisions en jouant. C'est quelles décisions tu vas devoir prendre, sur quoi elles portent et où se passent les conséquences.
Qu'est-ce que tu "bouges" quand tu joues ? Ton corps ? C'est un sport. Un plateau, des cartes, des dés ? C'est un jeu de plateau, ou de cartes, ou de dés. Du verbe ? C'est un jeu d'histoire. Un personnage ? C'est un jeu de rôle.
Quand je joue à un jdr, faire ça parce que "ça serait drôle de voir ce qui va se passer", "c'est ce que mon personnage ferait" ou "ça me fera gagner plus de PX", c'est toujours interpréter son personnage. Pour "faire ça", je serai quand même bien obligé de raconter ce que mon personnage fait et de parler à sa place. De l'interpréter, quoi.
Le Method Acting n'est pas la seule façon d'interpréter un personnage.
Pardonnez ma bêtise sur ce coup-là mais, plutôt que de chercher à se mettre d'accord sur une définition des termes "jeu de rôle" ou "narrativisme", les membres du GROG ne feraient-il pas mieux de se pencher sur la signification du terme "rôliste", partie prenante du nom "GROG" selon toutes vraisemblances.
RépondreSupprimerÇa simplifierait grandement les choses pour définir le périmètre exact de sa mission...
Un rôliste, c'est une personne qui pratique le jeu de rôle (retour à la case départ)
SupprimerBon, le plus ironique là-dedans, quand même, c'est que selon le Gros Modèle, le narrativisme ("Story Now!") c'est justement mon kif. Mes jeux préférés sont de loin Dogs in the Vineyard et Apocalypse World qui sont en plein dedans (des personnages avec des motivations personnelles fortes, une situation de départ dynamique et problématique là tout de suite, des règles qui poussent le truc au cul, fire).
RépondreSupprimerBref.
Aussi, le Grog est une entreprise louable et une réussite incontestable*, n'en doutons point. Je m'interroge juste sur sa ligne éditoriale, loin de moi l'idée de leur jeter un hareng.
Quant à ma modeste proposition de définition du jeu de rôle, je ne sais pas si elle sert à quelque chose, mais elle est là.
*de rencontre aléatoire.
C'est bien de critiquer les règles du grog, mais si on veut être plus productif on prend le temps de faire une petite fiche, sésame de la liste de diffusion qui permettra d'exprimer son opinion et d'en faire évoluer les règles. Ca ne nécessite aucune contribution ou obligation, pas même de faire partie de l'association, juste ce petit effort de fichage une fois. Parce que bon, on oublie parfois que le bon grog n'est qu'une association de bénévoles peu nombreux avec un fonctionnement parfaitement démocratique. Donc vas y, tu y seras le bienvenue et je ne doute pas que tes vues y soient appréciées.
RépondreSupprimerOkay. Merci de m'apprendre ce qu'est le grog et comment ça tourne.
SupprimerSinon, tu as raison en partie : critiquer les règles du grog, c'est bien.
Je prends ma première mesure de gros diktator dans les comments et déclare que la discussion sur le grog, ses méthodes et sa ligne éditoriale est close parce que bon, c'est pas trop le sujet de l'article et que j'ai pas envie de passer 40K commentaires sur une remarque que j'ai lâché en passant sans réfléchir et qui n'est même plus dans l'article.
Comme d'habitude, ça s'applique aussi à moi et vous êtes autorisé à me pointer du doigt ou me lancer des cailloux si j'en reparle ici.
Que le reste — le narrativisme et pourquoi ça sert à rien (ou pas), ce qu'est ou pas un jdr, etc — soit discuté jusqu'à plus soif.
(Si ça peut vous faire vous sentir mieux, imaginez-moi dans l'uniforme de M. Bison.)
Billet intéressant et corrosif.
RépondreSupprimerIl y a un aspect qui m'a toujours intrigué et qui participe du glissement sémantique que tu soulignes (à mon avis).
Sans être expert des classifications d'Edwards sur lesquelles je m'étais penché fut un temps, il me semble que les trois "styles" étaient des descriptifs s'appliquant non pas à des jeux mais à des tables. En d'autres termes, il ne convenait pas de dire "DitV est narrativiste" mais plutôt "on a fait une partie de DitV hyper narrativiste hier soir".
Le but était (encore une fois dans mes souvenirs) de donner à un MJ les outils pour mieux cerner les attentes de ses joueurs:
- veulent-ils devenir des gros balaises en faisant progresser leurs personnages (Gamist)
- veulent-ils faire des choix tactiques réalistes sur le devenir de leurs personnages (Simulationist)
- veulent-ils raconter une super histoire (sous-entendu souvent, 'façon tragédie grecque') (Narrativist)
Une distinction plus facile à visualiser serait d'imaginer ce que chacun de ces types de joueurs vous raconte à une convention pendant que vous cherchez désespérément à trouver une excuse pour être occupé ailleurs:
Gamist: "ouais, j'avais un perso trop balèze à Don Juan & Dragueurs, il avait +8 en 'tchatche', +11 en 'connaître les mensurations' et la meilleure partie qu'on ai faite, il a séduit 21 cibles et chopé le badge 'Cagliostro'!
Simulationiste: "c'était hyper compliqué, cette partie de Don Juans & Dragueurs, parce que c'était pas hyper clair si ma cible était typée 'féministe'. Du coup, si je la jouais 'macho qui roule les mécaniques', je risquais l'échec total. Donc ce que j'ai fait..."
Narrativist: "ben, une super histoire d'amour tu vois, hyper tragique puisqu'elle était mariée, elle avait deux enfants, et son mari venait d'être muté en Asie, mais on s'aimait à la folie, et en même temps, je ne voulais pas la forcer à foutre sa vie en l'air pour moi. On a fait une super scène à Roissy dans les toilettes alors que son mari prenait les billets..."
De ce postulat de base plutôt pas con (à mon avis) encore que peu pratique (puisque chaque joueur à une même table peut avoir des aspirations différentes, voire que chaque joueur peut vouloir ces différents aspects en même temps), la "théorie" a dérivé vers "quels jeux favorisent lequel de ces styles" et là ça a été le début de la fin.
Il me semble que ce serait intéressant (pour moi en tant que lecteur) de te lire sur "qu'est-ce qui définit un JdR", cela dit. Au-delà des règles du GROG, qui sont ce qu'elles sont, j'ai le sentiment pour ma part que ton analyse sur l'utilisation du terme narrativiste est juste mais qu'elle cache en fait un autre glissement sémantique qui est le suivant: "narrativiste" est utilisé de façon négative pour dire "pas du jeu de rôle" sans le dire.
Ce qui sous-entend qu'une partie non négligeable des joueurs de JdR traditionels ne voit pas la filiation entre ces nouveaux jeux sans MJ, sans règles de simulation et/ou sans personnages et le hobby qu'ils ont l'habitude de pratiquer.
D'un point de vue marketing (pour autant qu'on puisse parler de marketing à l'échelle de notre hobby), c'est problématique: ça veut dire que les gens qui écrivent et espèrent vendre ces jeux pensent que leur clientèle est chez les rôlistes traditionnels (puisqu'ils insistent sur l'utilisation du terme JdR alors que la plupart des rôlistes ne reconnaissent pas ça comme des JdR) alors qu'en fait elle est probablement ailleurs.
Bref, j'en dis pas plus, mais je pense que le sujet reste à creuser!
Putain, une référence à Jeux&Stratégie en 2012. Tu n'as peur de rien.
SupprimerPour moi le Big Model et toutes les autres classifications servent surtout à aider les gens à mettre des mots sur ce qu'ils aiment dans le jdr (à part voir leur potes et manger / boire des trucs avec eux, qu'on aime tous). Certains aiment plus le côté compèt' tactique, d'autres plus le côté théatre/vis ma vie, d'autres plus le côté conte à plusieurs, à divers degrés etc.
RépondreSupprimerEt comme les règles influencent ce à quoi on va passer notre temps autour de la table, elles peuvent être écrites pour assurer un maximum de plaisir dans certains domaines par rapports à d'autres. Tout comme c'est utile de nommer les couleurs ou les goûts pour expliquer ce qu'on aime ou pas en vêtements ou en cuisine, c'est utile de nommer les sources de plaisir du jdr.
Avec toutes ses options tactiques, D&D encourage le gamism. Oui on peut raconter des histoires incroyables avec, mais les règles mêmes vont imposer de passer du temps sur la tactique, encouragent l'affrontement et ne remettent pas en question le mécanisme narratif standard (1 MJ "décor" + des PJ héros). Donc si on aime se créer des combos, faire des attaques d'opportunités etc, c'est parfait. Sinon c'est du temps de plaisir perdu.
Pour moi un jeu narrativiste inclue des règles qui vont influencer la narration différemment du mécanisme narratif standard MJ-PJ. Ca peut être en gérant un partage différent du contrôle narratif (ex: si tu réussi ton jet c'est toi qui narre les conséquences), soit en fournissant automatiquement/imposant/proposant des éléments narratifs par les règles et pas juste par l'imagination des participants (ex: des qu'on fait un 666 sur 3D6 un vieil ami apparait et révèle un secret d'un PJ).
Donc oui, je trouve ça utile comme mot. Ca prévient qu'il y aura des trucs différent de la narration en jdr classique.
Accessoirement le storyteller system a toujours été une vaste imposture vu qu'il n'y a bien plus d'options de customisation gamist dedans que de règles pour influencer le schéma narratif.
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RépondreSupprimeren gros l'article dit (si j'ai bien compris)
RépondreSupprimer"Un terme est galvaudé donc le système de classification tout entier ne vaut rien."
Le prémisce est vrai : le terme est galvaudé
Le raisonnement n'a aucun sens : Il n'y a aucun rapport de causalité entre le fait qu'un mot soit utilisé n'importe comment et la validité (ou l'invalidité) du concept qu'il désigne réellement .
La conclusion est une infâme généralisation abusive
Le parallèles sur "les jeux à l'allemande" est non avenu mais aussi et surtout totalement faux. Le terme désigne précisément un style de jeu (au même titre que le rock désigne un style musical ou l'impressionnisme un style de peinture). Mais la plus grosse énormité c'est l'argument chronologique qui ressemble à "au début il y avait 2 être unicellulaires puis est arrivé la révolution industrielle". Il manque , comme qui dirait, quelques étapes.
Il y a juste cette histoire de mépris gravitant autour de ce terme qui tienne un peu la route, (et encore c'est un constat de la façon dont le terme est employé et accueillit , ça n'a rien a voir avec le concept et l'utilité d'origine ).
Et pour ce qui est de la forme , c'est un peu maladroit de dénoncer le mépris et l'ignorance en faisant preuve de mépris et d'ignorance.
Copie à revoir, donc.