Dernière semaine pour mettre des sous dans Dungeonworld, les gens, au cas où. Ce qui, maintenant que j'y pense, me rappelle ma tartine sur les situations en jeu de rôle. Comme quoi, tout est dans tout et rien n'est dû au hasard.
Parce que pour le coup, le scénario de la boîte rouge est conçu non pas comme une suite de scène linéaire avec un début, un milieu et une fin, mais une situation qui risque de tourner dans pleins de directions différentes, le tout — grâce aux efforts de Vincent Baker, Sage LaTorra, Adam Koebel et pis nos petites mimines à Maître Sihn et moi-même — présenté dans un format le plus accessible et le plus facilement manipulable possible. Enfin, on l'espère.
Donc en gros, comment se présente une aventure de Dungeonworld ? Comme les meilleurs donjons à l'ancienne (Keep of the Borderlands, si tu savais comme je pense à toi parfois). Un lieu intéressant, dangereux et plein de trésors avec des gens dedans, le tout empilé de façon déséquilibrée, prêt à se casser la gueule, si possible sur les héros. Le tout rédigé pour vous donner le plus rapidement possible, vous meneur de jeu, des trucs à dire quand c'est votre tour de parler.
En pratique, vous avez une carte des lieux avec la description de chaque pièce, les habitants sous forme de cartes, et surtout, l'interaction des deux sous forme de fronts notés sur la carte des lieux. Un front, dans le sens militaire du terme : un ensemble thématique de dangers qui avance lentement mais surement vers une résolution que les héros cherchent à éviter.
Par exemple, laissez-moi vous présenter Grundloch, le maître de la glaise, un enchanteur qui n'a pas une piètre opinion de lui-même. Un jour, il est allé voir le Praticien de Val Bastail pour lui demander de se faire remettre les clés de la ville. Fatalement, on s'est un peu foutu de sa poire. Résultat : il a décidé de prendre le contrôle de l'Idole de Sangpierre, une sorte de golem titanesque datant des Guerres Elementaires, et de revenir marcher sur la ville histoire de montrer qui est le chef. Et toujours aussi fatalement, on a envoyé les aventuriers arranger ça.
Grundloch & l'Idole de Sangpierre, c'est un des deux fronts de l'aventure (l'autre, c'est la guerre de territoire que se livrent les gobelins de Tristecrocs et les hommes-lézards des Ecailles de Glace pour la possession des souterrains, mais c'est une autre histoire).
Chaque front a un destin funeste : la pire chose qui puisse se produire si on ne fait rien du tout. Ce destin funeste est décomposé en machination : une suite d'étapes claires et discrètes qui permettent de rythmer le jeu en faisant remarquer aux aventuriers qu'ils n'ont rien fait pour empêcher ce destin funeste — le meneur coche chaque étape, qui est irrévocable, quand elle arrive. Enfin, chaque front a des enjeux, des questions auxquelles vous répondrez tous ensemble en jouant le scénario. Par exemple, voici le destin funeste de Grundloch & l'Idole.
Meneur de jeu, quand c'est à votre tour de parler et que vous sentez que les aventuriers n'ont toujours rien fait pour prévenir le destin funeste du front, cochez la première case libre de la machination et décrivez quelque chose qui, sans équivoque, montre aux aventuriers que cette étape est maintenant accomplie. Par exemple, si l'étape est "Grundloch découvre comment réveiller l'Idole" et que le voleur du groupe est en train d'espionner le groupe de dignitaires gobelins, faites arriver l'assistant de Grundloch qui entame les pourparlers avec les shamans et le chef, expliquant que Grundloch n'a besoin que d'un sacrifice rituel pour réveiller la terrible Idole de Sangpierre, et que quand ça arrivera, il faudra mieux être avec lui que contre lui.
Quant aux enjeux, simple : n'y répondez pas vous-même. Laissez les aventuriers et la logique de l'histoire répondre à ces questions. Quand vous obtenez une réponse, barrez la question. Quand toutes les questions sont résolues, le front est résolu également (en bien ou en mal). Et voilà.
Chaque front a ses personnages clés (on en parlera jeudi) et ses dangers. Là où un front est un ensemble large, chaque danger est précis et menace directement les aventuriers. Les dangers peuvent avoir une machination ou non, mais ils ont tous des penchants des actions. Les penchants vous donnent l'orientation du danger, les actions des choses concrètes à faire avec : quand vous vous demandez "comment est-ce que ce danger réagit ?" ou "comment le faire intervenir ?", regardez son penchant et quand c'est votre tour de parler, choisissez une de ses actions. Voici par exemple un des dangers du front de Grundloch : l'Idole elle-même, dans toute sa splendeur.
Imaginez que les aventuriers déboulent dans la salle de l'Idole et que les joueurs vous regardent en attendant que vous disiez quelque chose. Vous commencez par décrire l'Idole, un monument titanesque qui semble vibrer d'une magie ancienne, puis vous enchaînez par une de ses actions, par exemple révéler la vérité à quelqu'un, qu'il le veuille ou non : "Durkahn, tu entends une voix claironner dans tête : "Clerc, ton culte impie subira son juste châtiment bientôt" et tu as une vision : le temple de Mortar à Val Bastail en ruines, les flammes dansant entre les restes de ses murs tombés." Ce temple est consacré à une divinité que l'Idole, intransigeante, considère comme trop bordélique — après tout, le monde serait si bien rangé si il n'y avait qu'une seule religion, celle de l'Idole — et c'est en effet ce qui se passera si les aventuriers n'arrivent pas à arrêter Grundloch.
Les fronts, leurs machinations, leurs dangers et leurs personnages clés sont tous développés sur la carte des lieux, de façon à avoir ces informations stratégiques sous les yeux durant toute la partie : après tout, ce sont ces fronts qui vont structurer la partie à long terme, lui donner des objectifs précis. Ce sont les moteurs de l'aventure.
Ca, c'était pour l'aspect stratégique, donc. Pour le côté tactique — la description des lieux, les personnages et monstres peuplant les souterrains — on verra ça jeudi. Et si vous avez des questions : les commentaires sont là pour ça.


J'ai une question, 'sieur ! Quand qu'on peut playtester ? :D
RépondreSupprimerSuper explication, limpide !
RépondreSupprimerCe n'est pas praticien mais patricien je suppose :)
RépondreSupprimerBingo. Merci, je corrige.
SupprimerJuste pour la référence : j'ai fait jouer deux parties de D&D basic édition 1981 ce weekend, sur le scénario "The Keep on the borderlands".
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