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mercredi 21 juin 2017

Faire genre part 1 : s'outiller pour l'essentiel

Message du comité des messages par excès de prudence :

CALMEZ VOS TÉTONS. On parle pas ici de la fameuse "théorie du genre" inventée par les teubés rétrogrades qui veulent contrôler qui câline qui pour des raisons obscures et à mon avis plus psychologiques et sociales que religieuses, mais de coboïes, de nains et d'en raconter leurs histoire.

Le côté équivoque du titre de l'article c'est mi pour me moquer, mi pour voir si ça va attirer des clics et des commentaires débiles.

Ouais je trolle d'une main et de l'autre je décourage la confusion d'emblée, je sais. Je sais plus quoi faire, tu sais. Je suis un peu perdu. La vie et les internettes c'est compliqué.

Bref. Vu que "on" en parle beaucoup -- citons déjà Chroma ou le Fossoyeur de Films -- je me suis dit : y'a des trucs à en dire.


Qu'est-ce qu'un genre narratif ? 

Vous savez, comme "Western", ou "Action-aventure", ou "Wuxia", ou "Horreur".

C'est une bétonneuse* de question quand on y réfléchit, parce que voilà typiquement un truc qu'on a inventé pour se simplifier la vie mais au final ça fout la perche. Déjà parce que pour gougler "genre" sans tomber dans les mille et une flamewars entre rachitiques du bulbe et gens décents, con fer le message d'introduction, bonne chance, mais-z-ensuite parce queb la définition courte de chez wikipedia fait déjà 2050 signes et commence par le truc le moins digeste du monde, en voici l'extrait :

Un genre littéraire est un concept de type catégoriel qui permet de classer des productions littéraires en prenant en compte des aspects de genre pictural, genre narratif ou genre dramatique, de contenu (entre autres : roman d'aventure, journal intime, théâtre de boulevard, etc.), ou encore de registre (fantastique, tragique, comique notamment). Divers critères pouvant se combiner et se chevaucher pour déterminer des catégories secondaires, la liste des genres n’étant en effet pas close.





Je reformule et précise en allégé : un genre narratif, c'est une façon de classer les histoires selon les éléments narratifs qu'elles contiennent, le style avec lequel elles les présentent, les sentiments qu'elles font ressentir et/ou les sujets qu'elles abordent. On peut en inventer tant qu'on veut, c'est pas un système fermé. Et comble de bonheur une même histoire peut simultanément faire partie de plusieurs genres.

J'entends déjà des "ouais donc tout le monde fait ce qu'il veut et ça sert à rien".

Et pourtant ça t'empêche pas de lire de la fantasy plutôt que de la romance et de le dire, et on te comprend. Donc c'est que ça marche quand même un peu, quelque part.

Du coup je vais partir avec ma boussole préférée pour explorer un concept abstrait, c'est-à-dire faire comme si c'était un outil. Quand est-ce qu'on en a besoin, pour quoi faire, qui s'en sert, comment, et qu'est-ce que ça fait, un genre ?

Le genre en tant qu'outil

Je vois grosso merdo trois catégories générales de personnes qui utilisent le concept de genre narratif, et donc trois approches fonctionnellement différentes de la notion.

Déjà y'a toi, moi, ta maman, ma petite soeur, le voisin, bref : le public des histoires. Généralement, ils se servent des genres narratifs pour exprimer leurs goûts personnels en matière d'histoires et donc, trouver quoi lire/regarder/écouter/jouer/etc. sans être trop déçus. C'est parfois explicite comme "j'adore la fantasy" ou "la science-fiction c'est pas mon truc", ou plus subtil, comme "moi, j'aime bien quand y'a des cow-boys" ou "j'aime pas trop les vampires"**. Pour eux, un genre est un ensemble d'attentes qu'ils ont face à une oeuvre étiquetée ci ou mi. "J'aime bien les westerns parce que..." eh ben ce qui suivra cette proposition c'est la liste des attentes qu'a la personne qui parle face à un western.

Ensuite, un cran plus haut dans la chaîne, y'a le vendeur, le distributeur, le ludothécaire, le collectionneur acharné bref : les gens qui doivent remplir et ranger leurs étagères, les curateurs. C'est plus pragmatique déjà, surtout quand on est pas le seul à chercher des trucs dans la susdite étagère, parce qu'il faut que tout le monde comprenne comment on y range les trucs. On est pas dans des considérations théoriques ici, on est dans le "est-ce que les gens vont trouver ce qu'ils cherchent". À ce niveau, ça cesse tout doucement d'être une histoire de goûts. Ca devient une taxonomie. Pour eux, le genre est une liste de critères arbitraires certes, mais utiles. Parce qu'il faut bien ranger les trucs sur les étagères au bout d'un temps.

Enfin y'a la source des trucs à ranger, les producteurs : auteurs certes, mais également éditeurs, directeurs de gammes ou de collections, rédacteurs en chef et autres gens qui mettent la main directement à la pâte. Ils vont en gros devoir parfois décider avant même que le truc existe si ça sera du roman noir ou de la bit lit. Le genre devient un outil créateur, prescriptif et non plus curateur, descriptif. Pour le producteur de récit, le genre est un répertoire de lieux communs. Dans lequel il pioche à l'envi, selon ses besoins et ses objectifs.

Voilà déjà trois objectifs à garder en tête, et savoir quel est celui de la personne qui parle de genre, c'est assez pas mal pour comprendre vraiment ce qu'elle en raconte.

C'est à la grosse louche bien sûr,  les bords sont flous et on trouve des gens avec le cul entre deux ou trois chaises, comme je sais pas, le directeur de revue littéraire qui va devoir établir la ligne éditoriale de son magazine et qui se retrouve, par la force des choses, entre l'approche du curateur et celle du producteur.

Ou le critique, tiens. Pour lui le genre est un indicateur de ses préférences, indispensable à avoir en tête pour être honnête dans sa démarche. Mais aussi une façon de présenter ses écrits, et donc de les ranger sur l'étagère métaphorique des écrits du monde entier. Et même une façon d'écrire sa critique, puisqu'on peut considérer -- genre je le fais à l'aise -- que la critique est en fait un genre littéraire.  Avec, tout à fait, ses sous genres et ses lieux communs, comme "je suis très énervé et je descends tout ce qui passe" à "je considère qu'il n'y a pas de mauvaise création et découvrons ensemble ce que ceci peut nous apprendre et nous apporter" ou encore "je parle au film directement comme si c'était quelqu'un".

(Quoi ?

Non tais-toi même pas vrai c'est toi qui est amoureux de Karim Debbache.)

Cette grâce. Cette légèreté. Ce duvet soyeux.

Et donc comme je disais : les concepts abstraits c'est un peu comme des outils. Genre prenez un marteau. Un charpentier, un juge et Thor en ont chacun un, et pourtant on peut pas dire qu'ils s'en servent de la même façon. Du coup, s'ils passent chez M. Bricolage pour s'en acheter un, ils vont pas le choisir sur les mêmes critères. Ben les concepts abstraits comme le genre littéraire c'est pareil. Si tu parles avec un producteur, il va pas en parler de la même façon qu'un consommateur.

Du coup je vais m'inventer mon propre jargon juste pour cette discussion-ci et pour pas faire ésotérique je vais piquer des termes aux définitions formelles proches. Je vais parler de la façon dont le public utilise le concept de genres narratifs comme de l'approche descriptive, puisqu'elle leur permet de décrire des oeuvres et leurs propres goûts ; celle des curateurs sera l'approche curative puisqu'elle sert à s'occuper des oeuvres au sens large : à les trier, les présenter et les comparer et l'approche créative pour les producteurs puisqu'ils tentent de faire un truc là où il n'y a rien, chacun à leur petit niveau.

Pourquoi je fais ça ? Parce que j'aimerais parler des approches et pas des gens qui les utilisent, et si on reste sur les personnes ça va finir comme les agendas créatifs du gros modèle, en test cosmo genre quelle approche es-tu et personne ne veut ça parce que c'est teubé et ça sert à rien.

Où je vais avec ça

Je sais pas très bien mais je continue la marche dans un avenir proche. Je crois qu'on va vite dériver vers comment on s'en sert pour faire un perso/scénar/jeu et pourquoi ça ne marche pas vraiment comme on croit que ça marche -- comme oui, on continue à l'appeler Trinita et La Proposition sont deux westerns, pourtant ils n'ont rien en commun, mais ils ont chacun en commun avec d'autres westerns qui, eux même, etc. -- parce que je sais pas faire sans. Je suppose aussi que je vais aller traîner du côté de "mais si je joues à Trinita et le reste de la table à La Proposition ça va être la foire" et comment faire, soit pour que tout le monde se mette bien au même truc, soit pour rectifier le cap quand ça dérape. J'imagine qu'on va parler du fait qu'à une table de jeu de rôles tout le monde est fatalement tour à tour voire simultanément public, curateur et producteur de l'histoire et que fatalement ça fait désordre mais c'est bien quand même. Et non, je vais pas promettre une date.

*ui on m'a fait remarqué que je jurais beaucoup du coup j'essaie un truc : je remplace les insultes dans ce post par des engins de chantier.

**ce qui est cake part une forme de métonymie.***

***Mot compte triple, je relance les dés, tu dois défausser deux cartes parce que t'as pas toqué et je ramasse 2000 dollars en passant par la phase d'upkeep.

1 commentaire:

  1. Ce teasing de fou! Avec le titre putaclic et tout! Bravo on a hâte de voir où ça va aller.

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Je considère que vous avez lu la page d'avertissements et je modère en conséquence.