Je crois qu'on peut se mettre d'accord pour dire que les jeux de rôle sont, entre autres critères, des jeux qui produisent des histoires.
Mais il existe assez clairement des jeux produisant des histoires qui ne sont pas des jeux de rôle.
A partir de quand faites-vous la différence ?
Cinq cas concrets :
Dungeons & Dragons. Chaque joueur incarne un aventurier explorant des sous-terrains très dangereux à la recherche d'or et de gloire, sauf un qui est désigné meneur et qui s'occupe d'incarner tout le reste et de décrire l'environnement immédiat des aventuriers. Dans certaines situations — l'attaque d'un monstre, un piège à désarmer — le joueur jette les dés pour savoir ce qui se passe ensuite.
Remember Tomorrow. Chaque joueur incarne un exclu du système — en bien ou en mal : un SDF comme une vedette du rock — dans un monde futuriste immédiat. A tour de rôle, chaque joueur va également prendre le rôle de Contrôleur et mettre en scène un ou plusieurs personnages — le sien ou celui des autres joueurs — dans un conflit ou un arrangement, ou introduire un nouveau personnage à jouer qu'il place dans la réserve commune. A la fin de chaque tour de Contrôleur, on jette les dés pour savoir ce que chaque personnage présent obtient ou subit durant cette scène, et le Contrôleur peut échanger son personnage avec un autre de la réserve commune.
Oui, Seigneur des Ténèbres. Chaque joueur incarne un des larbins incompétents du Seigneur des ténèbres, sauf un joueur qui est désigné Seigneur des ténèbres. Celui-ci demande à chaque joueur pourquoi telle ou telle mission est un échec, et les joueurs vont devoir raconter le pourquoi pour essayer de faire porter le chapeau à un autre larbin. On joue des cartes pour introduire des éléments dans l'histoire ou pour interrompre les autres joueurs.
Fiasco. Chaque joueur incarne un incapable bourré d'ambition, dans un contexte précisé par le livret de jeu choisi, généralement un crime foireux (pensez à Fargo ou Burn After Notice). A tour de rôle, chaque joueur choisit soit de débuter une scène tournant autour d'un ou plusieurs personnages — le sien et/ou ceux des autres joueurs — et de laisser les autres joueurs décider comment elle se termine, soit de demander à d'autres joueurs de commencer la scène et la terminer lui-même. La façon dont une scène commence ou se termine dépend d'un jet de dés.
Il était une fois. Chaque joueur raconte à tour de rôle un conte de fée, et essaie de placer les cartes d'éléments — objets, personnages, situations — qu'il a tiré. Il peut se faire interrompre par les autres joueurs, selon les cartes qu'ils jouent. Chaque joueur a également une carte de dénouement qu'il peut placer si c'est sa dernière carte en main.
Alors lesquels sont des JdR, lesquels n'en sont pas et pourquoi selon vous ?

Personnellement, j'exclurais Oui, Seigneur des Ténèbres et Il était une fois. C'est vrais que l'on garde toujours la même idée de base : une ensemble de règle pour raconter une histoire ; mais là, je vois une réelle différence de positionnement des joueurs par rapport à la narration.
RépondreSupprimerDans un jdr "classique", je me dit : je vais vivre l'aventure de mon personnage (ou faire vivre l'aventure de mes joueurs). Alors que dans Oui seigneur...l'objectif est plus dans le fait de raconter l'histoire : au final on s'en fout de qui/comment/pourquoi on a merdé la mission, l'objectif est de s'amuser en la racontant. Ok c'est présent aussi dans les jdr mais les proportions et la philosophie du jeu est assez différente à mon sens (c'est pas super clair tout ça).
Bon après ça devient assez flou au niveau de jdr comme Fiasco car c'est vraiment tangent et donc du coup les aspects s'équilibrent.
Est-ce que je dois me mettre à la place du personnage que je joue ?
SupprimerDans Oui, Seigneur... il vaut mieux, c'est même un peu le but.
Dans Il Etait... osef.
C'est une distinction comme une autre, et elle en vaut une autre, hein.
J'aurais tendance à penser que tous les jeux cités sont des jeux de rôle. Quand j'ai envie d'être pompeux, je dis que tout ce qui s'éloigne de la structure joueurs-perso individuels + Mj + scénar + règles de combat est du post-jdr, mais c'est parce que j'aime rajouter des préfixes partout et aussi être pompeux.
RépondreSupprimerAu final, osef, lol ;-))))))). De toutes façons, le jdr qui sort du cadre classique(jdr=donj) attire le mépris des puristes(quoi que ça puisse vouloir dire) et l'incompréhension des non-initiés.
Finalement, post-jdr, c'est peut-être pas si mal comme définition.
Et sinon, je cite (pour montrer que je Connais des Blogs): "Design pretty much anything interesting, and you've designed a non-RPG to someone."
[http://lumpley.com/comment.php?entry=659]
Au final, osef, lol ;-))))))).
Supprimer1) je suis d'accord.
2) pourquoi est-ce que Raymond Barre me fait un clin d'oeil ?
J'en reviens à un détail qui me fait marrer comme pas possible.
RépondreSupprimerQuand tu parles du JdR à quelqu'un de normal, t'as une chance sur trois qu'il te dise "quoi, comme Donjons & Dragons ?"
Quand tu parles de la dernière édition en date de Donjons & Dragons avec un rôliste, t'as une chance sur trois qu'il te dise "c'est pas vraiment un jeu de rôle."
Parfois ils ajoutent même un "lol".
Personnellement je ne me prend pas la tête : si il y a écrit "jeu de rôles dessus" c'est que c'en est un ;-)
RépondreSupprimerCela dit en y réfléchissant un peu effectivement Oui seigneur colle pas mal à la définition "classique" du jdr...
Je dirais oui sans hésiter pour D&D,
RépondreSupprimernon sans hésiter pour "Il était une fois",
j'hésite pour "Oui seigneur des ténèbres"
et je préfère ne pas me prononcer pour les deux autres car je ne les ai jamais pratiqués.
Pourquoi ?
Parce qu'en ce qui me concerne je considère que ce qui caractérise avant tout un JDR vis-à-vis des autres types de jeux c'est l'existence d'un scénario et la présence d'un MJ chargé de le mettre en scène. (il y a encore d'autres critères à prendre en compte, mais pour moi ce sont les principaux)
Pour D&D j'estime que la question est vite résolue. Ces deux éléments sont bien présents. Pour moi ceux qui dénigrent ce jeu en disant que "c'est pas vraiment un jeu de rôle" le font soit par snobisme soit parce qu'ils confondent le jeu lui même et une certaine façon d'y jouer, à savoir le PMT, qui s'apparente effectivement à du wargame sub-tactique.
Pour "Il était une fois"
- il n'y a pas de scénario prédéfini, le but du jeu étant précisément d'inventer une histoire au fur et à mesure,
- il n'y pas de MJ ayant autorité sur le reste de la table, chaque joueur prend la parole dès qu'il le peut
- en outre les joueurs n'incarnent pas un personnage (ou en tout cas ils ne sont pas tenus de le faire pour que le jeu fonctionne, ils peuvent choisir de parler à la première personne mais en général ils se contentent d'être un conteur extérieur à l'action) et ils ne coopèrent pas dans un but commun.
Pour "Oui seigneur des ténèbres" j'hésite et je serais tenté de dire que c'est un jdr:
- on peut considérer qu'il y a un scénario, même s'il est minimaliste et qu'il est le même à chaque partie: "Les joueurs rentrent de mission, ils se sont plantés et ils vont devoir se justifier devant leur employeur"
- on peut considérer qu'il y a un MJ qui veille à l'application des règles (distribution de regards noirs) et qui fait progresser le scénario en incarnant le seul PNJ (le Seigneur des Ténèbres).
- les joueurs incarnent bien des personnages étant donné qu'ils parlent à la première personne (peut importe qu'ils n'aient pas devant eux de fiches de perso couverte de statistiques)
- le jeu n'est pas coopératif sensu stricto mais personne n'a jamais dit qu'il était interdit de trahir un membre de son groupe pour sauver sa peau.
"Il était une fois" produit des histoires, mais n'est pas un jeu de rôle. C'est aussi le seul jeu que, dans ta présentation, tu n'introduis pas en disant "Chaque joueur incarne" mais "chaque joueur raconte" :-D
RépondreSupprimerLa définition du mot c'est un peu une question d'usage. J'ai l'impression que certains jouent à pousser un max de trucs sous le terme, mais si on m'invite à une soirée jeu de rôle, je m'attends à créer mon perso (ou plusieurs persos) et à l'incarner pendant qu'un MJ (ou plusieurs, moi-compris) gére le déroulement de l'histoire, dans un contexte si libre que tout n'a pas pu être prévu par les règles.
RépondreSupprimerSi quand j'arrive on me déballe Oui Seigneur des Ténèbres ou Remember Tomorrow, j'me sens trahi. ;)
Alors à quoi bon tergiverser pour faire rentrer un maximum de jeux sous l'appellation, si c'est pour que le mot n'ai plus aucun sens établi ?
C'est quoi le sens établi ? Si tu devais faire une définition operationnelle ("pour faire du jeu de rôle, il faut que les joueurs fassent...") ?
SupprimerTout le monde ne fonctionne pas par définition opérationnelle Greg. Et c'est bien sur ce point qu'on ne va jamais résoudre ce débat. Tout ce qui me permet de définir le jeu de rôle se mesure sur une échelle de tripe.
SupprimerC'est pas vraiment un débat à résoudre, t'sais, juste un phénomène qui me fascine.
SupprimerYep yep. ;) J'trouverai bien une façon de définir ça un de ces jours.
SupprimerPour moi, un jeu de rôle est à la base un jeu où on joue un rôle. Ce qui est très vaste, je te l'accorde: dans le Monopoly, tu joues (en gros) le rôle d'un capitaliste qui investit dans l'immobilier.
RépondreSupprimerJe suis assez d'accord avec Frédéric Claisse en disant que, dans le tas, "Il était une fois" n'est pas vraiment un jeu de rôle pour la raison qu'il mentionne.
Et, de façon plus générale, je pense qu'on a plus à gagner en élargissant la définition du jeu de rôle qu'en la concentrant sur des cas ultra-précis. Même si je n'aime pas D&D, ça reste pour moi un jeu de rôle (des années 1970, mais un jeu de rôle quand même).
Faut voir à quel point tu dois t'impliquer dans le rôle pour que le jeu marche. Si on considère qu'au monopoly on peut jouer un rôle, alors on peut étendre la définition au jeu de l'oie, et au démineur.
SupprimerQuand j'ai demandé à ma compagne si elle avait joué un rôle pendant la partie de Oui Seigneur des Ténèbres, elle m'a répondu "Non, j'ai juste inventé des excuses.". Moi j'ai joué un rôle et le Seigneur des Ténèbres m'a pris en grippe. ^^ Jouer un rôle n'a pas vraiment augmenté mon fun, parce que le jeu n'incite pas spécialement à ça, mécaniquement.
A l'opposé, quand je vois ce que certains types font de donjon sur le forum de character optimization de WotC, je ne peux pas croire une seconde que c'est du jeu de rôle. Pourtant, donj' en est un, indéniablement.
Moi je crois que pour que ce soit un jeu de rôle il faut pouvoir vivre le truc. Peu importe la forme tant que le but du jeu est de s'impliquer dans un personnage parce le jeu les règles t'incitent à le faire.
SupprimerZeben : si les règles et le jeu t'incitent à t'impliquer dans ton personnage, c'est que la forme du jeu a une importance, non ?
SupprimerOu alors j'ai pas compris ce que tu entends par "forme".
Sinon,
Supprimer"Quand j'ai demandé à ma compagne si elle avait joué un rôle pendant la partie de Oui Seigneur des Ténèbres, elle m'a répondu "Non, j'ai juste inventé des excuses." "
Et donc n'aurait-elle pas joué son personnage, après tout, quelque part ?
Parce que ces excuses, leur valeur et leurs effets de jeu, dépendaient du contexte de son personnage, pas du sien propre, techniquement, non ? Elle s'est bel et bien mis à la place de son perso, sinon ses excuses seraient tombé à plat, n'auraient eu aucun contexte cohérent, ou bien ?
Est-ce qu'on n'exagère pas un peu l'expression "jouer son personnage" ? Est-ce qu'on ne place pas la barre trop haut ? Simplement parler à sa place de son personnage, et décrire ses actions en faisant comme si son environnement (au PJ) était réel, est-ce que c'est pas suffisant ? Est-ce qu'on a besoin d'aller jusqu'à, je sais pas, method-acter son perso ou quoi ?
"si les règles et le jeu t'incitent à t'impliquer dans ton personnage, c'est que la forme du jeu a une importance, non ?"
SupprimerJe pensais à la différence dans la forme de l'implication par les règles ente D&D et Remember Tomorrow. Dans le premier l'implication se fait par la progression du perso à travers l'XP, dans le second par la réalistation d'un objectif personnel. Dans Oui seigneur des ténèbres il n'y a pas vraiment d'implication dans le personngae et rien ne différencie ton personnage de celui du voisin.
A ce propos et au lieu de me répéter, je ne saurai trop te conseiller la discussion ci-présente.
SupprimerDes morceaux choisis et pertinent pour que tu n'aies pas à te taper toute la discussion :
Raphaël Tlaloc : Donc en résumé, tu ne choisis pas ton rôle au départ, (t'es un larbin incapable et tu fais profil bas)
Ouame : En effet. Mais tu te distingues dans l'action, au fur et à mesure, avec les événements qu'on raconte et les cartes qu'on joue. Okay, ouaip, au départ, tous les larbins sont les même. C'est un peu fait exprès quelque part, c'est marqué presque sur la boîte.
Mais à la fin de la partie, tu sais reconnaître l'un de l'autre non ? T'as "celui qui se bourre tout le temps la gueule", pis "l'autre, là, qui a chapardé l'épée" ou "celui en rouge qui ouvre tout le temps sa grande gueule quand il faut pas." Un peu comme les schrtroumpfs.
Quelque part, c'est de la définition de personnage, non ? Des "rôles" différents, quelque part, avec des traits, etc. C'est juste pas noté sur une fiche. Mais ça se dégage de la narration.
Dire que puisque rien ne distingue mécaniquement les PJ de OSdT alors on ne s'implique pas, c'est comme dire que Dogs in the Vineyard ne parle pas de moralité puisqu'il n'y en a aucune représentation mécanique, quelque part, non ?
Certes, dans OSdT tu ne distingues pas tes PJ mécaniquement au départ. Mais tous les éléments autour, cartes events, objets, règles, font en sorte qu'on ne peut pas ne pas le faire. Rejeter la faute sur quelqu'un d'autre, c'est, quelque part, se distinguer de lui : "lui peut-être, mais moi..."
En design, j'ai vu ça appelé the fruitful void. Tu n'abordes pas directement le sujet de ton design mais tous les éléments autour s'y ramènent quand même.
Je comprends le raisonnement, mais la démonstration ne me satisfait pas. Je suis incapable de me représenter mon dernier "personnage" de OSdT, de sa personalité, de son apparence ou de ses "caractéristiques" (au sens large, ce qui le différencie d'un autre). Alors que j'ai un souvenir bien précis de tous mes persos de jdr parce que je me suis impliqué dans le rôle.
SupprimerJe suis incapable de me représenter mon dernier "personnage" de OSdT, de sa personalité, de son apparence ou de ses "caractéristiques" (au sens large, ce qui le différencie d'un autre).
SupprimerMême après la partie ? Y'a pas des caractéristiques — dans le sens commun du terme — qui se dégagent ? Genre "celui qui ment tout le temps", "celui qui s'est torché le pied", "celui qui aime un peu trop les lapins" ?
Questions sincères, hein, parce que perso c'est souvent le cas.
Ah, et question subsidiaire : que penses-tu d'un perso créé "au fur et à mesure" à HeroQuest ? Tu sais : tu commences avec ta feuille blanche et t'achètes tes traits pendant la partie.