Frère Zacharie est un pécheur. Le Pasteur du village fait des pieds et des mains pour le ramener sur le droit chemin, mais ce fardeau est trop lourd pour ses épaules. Il a les intérêts de chacun des villageois en tête, ce pauvre Pasteur, et pendant qu'il s'occupe de l'âme de Zacharie, il délaisse tous les autres.Vous arrivez au village portant le manteau des Chiens de Garde de Dieu. Vous êtes là pour préserver la Foi. Vous ne vous préoccupez pas des villageois. Votre responsabilité, c'est la congrégation toute entière. Et vous savez qu'à terme, Joseph le Pasteur craquera sous le poids du pécheur et quelque chose de terrible risque alors de se passer. Quelque chose de démoniaque.
Et donc, vous décidez de traîner frère Zacharie hors de chez lui et de l'abattre en pleine rue.
Joseph, le Pasteur, arrive en hurlant de rage. "Tout mon travail, tout mon temps, tout ce que j'ai investi pour sauver l'âme de frère Zacharie ! Et pour quoi ? Pour que vous l'abattiez !?"
"Votre travail est de nettoyer la plaie, Pasteur," répondez-vous. "Mon travail est d'emputer la gangrène."
Avertissement : D. Vincent Baker, l'auteur de Dogs in the Vineyard, est sans conteste mon auteur de jeu favori, peut-être même tous media confondus. Cet article est donc aussi objectif qu'un audit du système de parapluie fiscal par un banquier suisse. Permettez-moi de me lâcher, je me suis retenu de parler de lui depuis le début de ce blog. Merci de votre patience.
Ceci dit.
Vous jouez une bande de jeunes hommes et femmes élevés dans la Foi. Vous parcourez un Utah fantastique au milieu du 19ème siècle. Au Temple de l'Ordre Elu pour la Préservation de la Foi et des Fidèles, on vous a appris les Ecritures, on vous a donné un revolver et un cheval, et depuis vous allez de village en village pour distribuer le courrier, bénir les bébés, célébrer les mariages, soignez les malades et résoudre les problèmes communautaires selon les préceptes du Roi de la Vie Réssucité.
Les villages vous accueillent toujours avec respect et joie. Vous êtes là pour déraciner ses péchés et les exposer au grand jour. Ca risque de se terminer dans les larmes.
Qu'est-ce qui se passe quand on prend une bande de puceaux et de pucelles, qu'on leur donne une autorité religieuse absolue et un flingue, et qu'on leur donne la charge de préserver la Foi ? A vous de le découvrir. Un indice : c'est souvent dramatique.
Voilà un jeu qui, malgré un thème peu conventionnel, vous prend par la main, meneur comme joueurs. Les personnages sont clairement établis. Leur rôle est intéressant et laisse une énorme place au libre arbitre des joueurs. Les règles sont simples et la création de personnage inclut leur initiation, c'est-à-dire un conflit, avec les jets de dés qui vont bien, pour permettre à tout le monde d'être à la page question règles.
Les règles, d'ailleurs.
Vous avez des attributs, des traits, des relations, des objets, et tout ça est mesuré en dés, de d4 à d10 et parfois par deux ou trois. On ne jette les dés que dans un cas et un seul : les conflits. Contre d'autres gens, contre des démons parfois. Les conflits sont divisés en quatre types : on discute ; on bouge, mais on ne se tape pas dessus ; on se bagarre ; et on sort les flingues.
Vous avez des attributs, des traits, des relations, des objets, et tout ça est mesuré en dés, de d4 à d10 et parfois par deux ou trois. On ne jette les dés que dans un cas et un seul : les conflits. Contre d'autres gens, contre des démons parfois. Les conflits sont divisés en quatre types : on discute ; on bouge, mais on ne se tape pas dessus ; on se bagarre ; et on sort les flingues.
Quand on lance un conflit, les participants se mettent d'accord sur l'enjeu. Voici l'exemple de conflit du bouquin de base :
Et ainsi de suite jusqu'à être à court de dés.
Si vous perdez le conflit, vous pouvez escalader : genre on discute et tu l'emportes ? Je te mets mon poing dans la gueule. Dans ce cas, on lance quelques dés de plus, et ainsi de suite.
Il y a des tonnes de subtilités pas compliquées mais bien tapées — du genre perdre ou abandonner un conflit verbal est presque toujours avantageux en terme d'expérience, mais quand les flingues sont sortis, tout le monde risque sa vie — et c'est à peu près tout.
Côté MJ
Le jeu présente une façon bien précise de préparer sa partie. Au lieu de prévoir des scènes ou des rencontres, le MJ construit un village qui ne tourne pas rond. Selon la Foi, voyez-vous, la source de tous les maux est l'orgueil. L'orgueil provoque l'injustice, l'injustice mène au péché, le péché ouvre les portes au attaques des démons, les démons provoque l'apostasie (c'est-à-dire réécrire la doctrine pour son propre intérêt), l'apostasie mène à la pratique corrompue, qui elle-même tourne au culte démoniaque, à la sorcellerie et enfin, au meurtre.
Choisissez où en est le village. Déterminez qui est orgueilleux, quelle injustice ça provoque, quels péchés en découlent, et ainsi de suite. Assignez des PNJ à chaque étape. Imaginez comment tout ça se terminerait si les PJ n'étaient jamais venus. Et voilà : scénario instantané.
Par exemple : le censeur du village pense qu'il n'a pas à travailler aux champs comme les autres (orgueil). Au lieu de bosser, il râle sur tout le monde et sa famille s'appauvrit (injustice). A cause de ça, sa femme commence à préparer du tord-boyaux dans sa cave et le vend aux saisonniers (péché). Les démons arrivent et provoquent l'incendie du Temple. Etc, etc.
Comment ça va tourner ? Ca dépend entièrement de vos joueurs. Vous êtes juste là pour rendre les coups, jouer le village à fond les pédales, faire découvrir tout ce merdier aux joueurs et attendre qu'ils prononcent leur jugement divin, en espérant que ça suffise à calmer la situation. Ce jeu est fait pour provoquer des drames : la situation empire sans cesse tant que les Chiens n'ont pas agit de façon drastique, et quand je dis drastique, je ne plaisante pas. Genre abattre un pécheur en pleine rue. Ca a l'air compliqué, mais le jeu, encore une fois, vous prend par la main avec des conseils et des directives limpides, comme
J'aime
J'aime moins
Dogs in the Vineyard, ©2004, 2005 est un jeu de D. Vincent Baker édité par Lumpley Games.
Illustration : © 2007 Dylan Meconis pour l'édition italienne du jeu chez Narrativa. Parce que les Italiens, eux, ont du goût.
Post Scriptum : Le gentil Christoph, dans les commentaires, nous a posté un lien vers des aides de jeu en Français — fiche de personnage avec résumé des règles, fiche de village, grille de traduction à la volée et règles de PNJ simplifiés pour les MJ feignasses, dont je suis — et ça serait un crime de ne pas poster le lien à même l'article.
Le tenancier de la boutique, qui vient de la côte Est ? Sa femme n'est pas vraiment sa femme. C'est un produit et il en est le pourvoyeur. Leur mariage est une couverture. Le fils de ton frère, ton neveu, a quatorze ans. Il a volé de l'argent à son père — ton propre frère — et il a rendu visite à cette femme.
Ton frère est rongé par la colère, humilié par le vol de son propre fils et il pleure son innocence perdue. Il a pris son fusil. Il va abattre cette femme. Que fais-tu ?Enjeu du conflit : est-ce que ton frère va abattre la femme du tenancier ? Disons qu'on discute. On lance tous nos dés, et à tour de rôle, on surenchérit à coups de paires. Surenchérir, ça veut dire avancer deux dés et décrire quelque chose que l'autre ne peut pas ignorer, du genre : "Zeke, on ne peut pas tuer les gens comme ça. Pose ce fusil, veux-tu ?" En retour, l'autre avance autant de dés qu'il faut pour dépasser la somme des vôtres, et selon le nombre de dés dépensés, mangent des retombées (sortes de dégâts abstraits) selon la nature du coup : un argument risque de vous faire changer d'avis, mais un coup de feu risque de vous tuer.
Et ainsi de suite jusqu'à être à court de dés.
Si vous perdez le conflit, vous pouvez escalader : genre on discute et tu l'emportes ? Je te mets mon poing dans la gueule. Dans ce cas, on lance quelques dés de plus, et ainsi de suite.
Il y a des tonnes de subtilités pas compliquées mais bien tapées — du genre perdre ou abandonner un conflit verbal est presque toujours avantageux en terme d'expérience, mais quand les flingues sont sortis, tout le monde risque sa vie — et c'est à peu près tout.
Côté MJ
Le jeu présente une façon bien précise de préparer sa partie. Au lieu de prévoir des scènes ou des rencontres, le MJ construit un village qui ne tourne pas rond. Selon la Foi, voyez-vous, la source de tous les maux est l'orgueil. L'orgueil provoque l'injustice, l'injustice mène au péché, le péché ouvre les portes au attaques des démons, les démons provoque l'apostasie (c'est-à-dire réécrire la doctrine pour son propre intérêt), l'apostasie mène à la pratique corrompue, qui elle-même tourne au culte démoniaque, à la sorcellerie et enfin, au meurtre.
Choisissez où en est le village. Déterminez qui est orgueilleux, quelle injustice ça provoque, quels péchés en découlent, et ainsi de suite. Assignez des PNJ à chaque étape. Imaginez comment tout ça se terminerait si les PJ n'étaient jamais venus. Et voilà : scénario instantané.
Par exemple : le censeur du village pense qu'il n'a pas à travailler aux champs comme les autres (orgueil). Au lieu de bosser, il râle sur tout le monde et sa famille s'appauvrit (injustice). A cause de ça, sa femme commence à préparer du tord-boyaux dans sa cave et le vend aux saisonniers (péché). Les démons arrivent et provoquent l'incendie du Temple. Etc, etc.
Comment ça va tourner ? Ca dépend entièrement de vos joueurs. Vous êtes juste là pour rendre les coups, jouer le village à fond les pédales, faire découvrir tout ce merdier aux joueurs et attendre qu'ils prononcent leur jugement divin, en espérant que ça suffise à calmer la situation. Ce jeu est fait pour provoquer des drames : la situation empire sans cesse tant que les Chiens n'ont pas agit de façon drastique, et quand je dis drastique, je ne plaisante pas. Genre abattre un pécheur en pleine rue. Ca a l'air compliqué, mais le jeu, encore une fois, vous prend par la main avec des conseils et des directives limpides, comme
Mes PJs arrivent en ville. J'ai quelqu'un qui vient leur parler. Ils demandent si tout se passe bien. Le quelqu'un dit que, en gros, tout se passe bien. Les PJs demandent "en gros ?" et je suis tout "oh oh, ils vont se rendre compte que quelque chose tourne pas rond dans ce village. Vite, bluffons et restons impassible."
Et puis je suis tout "une minute. Je veux qu'ils captent que le village ne tourne pas rond. En fait, je veux leur montrer en quoi le village ne tourne pas rond. Sinon, ils vont se perdre dans le village en attendant que je lâche un indice, je vais continuer à bluffer et tout le monde va s'emmerder ferme toute la soirée".
Donc, au lieu de répondre "oh non, je voulais dire que tout va bien et je vais vous laisser maintenant", le PNJ lance sa tirade : "Tout va très mal ! Telle personne couche avec telle autre personne et pas avec moi, ils ont assassiné l'instituteur et le sang coule des murs de la salle communale tous les soirs !" Et après ça, la partie va quelque part.Bref : jouez le village, pousser la partie vers les conflits, exposez le village en cours de jeu, suivez les joueurs plutôt que les mener, aggravez les conflits et ne prévoyez pas de solution précise au problème, mais laissez les joueurs le faire, et tout devrait bien se passer.
J'aime
- Le contexte du jeu, un mélange de far west fantastique — des démons ! Des sorciers ! Des miracles ! — et de drame procédurier — on enquête ! On confronte les coupables ! On se flingue dessus et on se court après !
- Les règles de progression de personnage. Pas de points d'expérience : selon les retombées des conflits, votre personnage se trouvera amoindri par le doute et les blessures, ou au contraire changé et grandi après avoir traversé un drame.
- Le style de D. Vincent Baker, qui n'est certes pas au goût de tout le monde, mais qui se force dans ce bouquin à présenter le jeu et l'univers du point de vue des croyants. A aucun moment le narrateur ne doute que la Foi est, je ne sais pas, autre chose que la seule, vraie Foi : "Bien des gens en dehors de la Foi prétendent servir Dieu. Certains Le servent même sous Son véritable titre : le Roi de la Vie. Evidemment, ils ne Le servent pas vraiment — si c'était le cas, ils auraient rejoint la Foi !"
- Les règles de conflit, of course. Où comment claquer le bec à un hérétique fort en gueule en lui tirant dessus, et à l'inverse, arrêter une fusillade en hurlant à son adversaire : "ta femme est enceinte !" alors qu'il l'ignorait.
- Plein-plein-plein de petites subtilités absolument incroyables qui se révéleront en jeu. A jouer by the book histoire d'en profiter un max. Ce jeu aborde les questions de la religion, des liens communautaires et de l'influence de l'un sur l'autre avec une finesse absolument bluffante.
J'aime moins
- Pas grand chose, parce que je suis un sale fan boy de merdre. Mais je vais trouver.
- Tiens, par exemple, il n'est pas traduit en Français, et c'est un crime.
- Aussi, même si le bouquin est bien organisé, D. Vincent Baker va droit au but et donc, si on ne fait pas attention, on risque de rater un truc. Par exemple : on escalade les conflits. Ca ne veut pas dire que si on sort les flingues tout de suite, c'est fichu : on peut "escalader" dans un sens comme dans l'autre, dans l'ordre comme dans le désordre. Sortir les flingues d'abord et causer ensuite, c'est aussi escalader. On le montre dans les exemples et on le dit une fois dans le bouquin, mais beaucoup de tables passent à côté.
- La table de distribution des retombées n'est pas très facile à lire. ...ça se voit que je cherche la petite bête ?
Dogs in the Vineyard, ©2004, 2005 est un jeu de D. Vincent Baker édité par Lumpley Games.
Illustration : © 2007 Dylan Meconis pour l'édition italienne du jeu chez Narrativa. Parce que les Italiens, eux, ont du goût.
Post Scriptum : Le gentil Christoph, dans les commentaires, nous a posté un lien vers des aides de jeu en Français — fiche de personnage avec résumé des règles, fiche de village, grille de traduction à la volée et règles de PNJ simplifiés pour les MJ feignasses, dont je suis — et ça serait un crime de ne pas poster le lien à même l'article.
Avec de la persévérance, le 2eme point du "j'aime pas" peut se résoudre. Enfin, contrairement à un autre jeu du même auteur qui tient en un livret de 30 pages, il faudrait que je sois soutenu par un éditeur dès le début pour m'y mettre.
RépondreSupprimerCa voudrait dire un duel à midi, compadre.
SupprimerJe me couche, j'ai fais que des 1. ^^
SupprimerPlus sérieusement, je peux donner un coup de main si tu t'y met et si tu as besoin d'aide. Mais je n'ai pas forcément des masses de temps en ce moment (naissance, déménagement transcontinental, changement de boulot ...)
Hello
RépondreSupprimerChouette article!
Il vous faudrait voir avec Ludovic Papaïs de la Boîte à Heuhh histoire de ne pas faire de doublons côté traduction, il a déjà des plans concernant certains jeux de Vincent Baker.
Tant qu'à faire, je me permets de faire de la publicité pour mes aides de jeu pour Dogs.
Merci pour les aides de jeu ! Très bonne trad' AMHA et vachement utile pour les joueurs anglophobes.
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