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lundi 14 mai 2012

Le principe de Lumpley, redux.

J'en avais déjà parlé là-bas. C'est mon hypothèse privilégiée.

Paraphrasé, ça donne :

"Un jeu de rôle sert à pousser vos amis et vous-même à dire des choses intéressantes à propos de vos personnages."

Tout. Les règles, le background, comment on lance les dés, comment on construit un scénario, tout ce qui se trouve entre la couverture et le quat' de couv' d'un JdR doit servir à une et une seule chose : faire en sorte que vous et vos potes ayez des choses intéressantes à raconter à propos de vos personnages privilégiés pendant les parties que vous en faites.

Tout le reste aussi. Le background de ton perso, ses caractéristiques, les notes du MJ pour la séance du soir, le résultat des dés, le portrait au stylobille griffonné sur la nappe, le plan sur le véléda : tout ça, c'est juste pour vous donner de l'inspi.

Parce qu'une partie de jeu de rôle, c'est une conversation à propos de personnages fictifs qu'on interprète. Enlève cette conversation, il n'y a plus de partie de JdR. Enlève tout le reste sauf ça — les règles, le background, les dés, le scénario, les illus, les cartes, le véléda — et tu as quand même une partie de JdR. 

Et si je débloque 3-4h pour parler de gens qui n'existent pas, ça a intérêt à être intéressant.

Rien d'autre n'a d'importance, tout le reste c'est du poids mort. Un bon JdR fait en sorte que le travail entre "lire ce qu'il y a marqué" et "dire quelque chose d'intéressant à la table" est le plus réduit possible. Le meilleur JdR possible rend ta conversation automatiquement intéressante.

Ca a peut-être l'air d'être une grasse évidence.

Donc, question.

En prenant cette hypothèse pour vraie, à quoi sert une fiction à propos de personnages qui ne sont pas les vôtres dans un bouquin de JdR ?

La réponse à cette question, c'est le mètre-étalon de la meilleure façon d'écrire une fiction dans un JdR.

Il y a plusieurs réponses valables. Et je n'ai pas la plupart des réponses.

Et contrairement à ce que certains pourraient penser, ma réponse n'est pas "à rien."

Quand j'aurai cinq minutes pour y réfléchir, j'essaierai d'expliquer maladroitement pourquoi la nature hautement subjective du terme "intéressant" n'a finalement aucune importance dans ce cadre et ne remet absolument pas en cause cette hypothèse. 


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11 commentaires:

  1. Je trouve que tout ce qu'il y a autour de cette question est bien plus intéressant (et bien plus difficile) que la question en elle-même. Pour y répondre, je dirais : à guider (cette ambiance, cette couleur, cette saveur, ce vocabulaire, …), inspirer (ce personnage, ce lieu, cette situation, cette intrigue, cette confrontation, ce décor, ce rythme, …), à définir (non, c'est comme ceci) ? Bref, à expliquer ? Ceci dit en restant dans les limites posées par tes hypothèses. Car je crois que cela sert aussi à rythmer l'ouvrage, à multiplier les modes de communication, à divertir, à reproduire la tradition avec plus ou moins de distance critique, à faire plaisir aux auteurs, aux fans, …

    L'objet jeu écrit est aussi une conversation (quelque peu à sens unique, certes), et là aussi l'on peut utiliser le critère intéressant. Le livre établi un ensemble de fictions, partagées entre l'auteur et le lecteur, et l'important, au final, est qu'elle soient intéressantes.

    Je ne crois pas que l'efficacité de l'amélioration du rendement des parties soit la seule approche possible, je la trouve même très restrictive, dangereuse.

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  2. Je ne crois pas que l'efficacité de l'amélioration du rendement des parties soit la seule approche possible, je la trouve même très restrictive, dangereuse.

    Pourquoi dangereuse ?

    Pourquoi est-ce dangereux de a) définir son objectif pratique et b) de tenter de s'en approcher de la façon la plus efficace possible ?

    En quoi est-ce un mal de faire un jeu qui aide à faire les meilleures parties possibles ? C'est pas le but ?

    Sinon ouaip, je suis d'accord avec pas mal de tes réponses. Et selon telle ou telle utilité (ou combinaison d'ycelles) j'écrirais ces fictions de façons différentes.

    Sinon, "à divertir" ? De quoi ? "La tradition", laquelle ?

    (la pire des fictions en JdR : une histoire qui ne pourrait pas se passer durant une partie. White Wolf, I'm looking at you.)

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  3. Sur la dangerosité, mon impression est très claire, mais j'ai du mal à la formaliser, à la communiquer. Je vais toutefois essayer.

    Ce principe que tu proposes est un peu le principe de Chekov de la rédaction de fiction de jdr.

    C'est dangereux parce que je préfère des œuvres organiques, et que là tu propose une démarche qui vise à tout épurer, à tout fonctionnaliser, ce qui est une démarche très intéressante mais qui ne doit absolument pas être universalisée. Hors c'est la logique de l'épuration, de l'efficience, de vouloir tout soumettre à son règne.

    L’on passe trop rapidement d’un principe de vérification à la recherche d’une recette qui satisferait ce principe. Là on risque d’arrêter de réfléchir, de commencer à créer en respectant une série de règles d'efficacité, stéréotypées et finalement, pauvres.

    C'est dangereux parce que l'on fait vite des erreurs. Parce que le jdr est pour moi un joyeux foutoir où tout est dans tout, un sacré sac de nœuds, que c’est trop vite fait d’arriver à une Réponse simple, claire et fausse.

    Attention toutefois : si je dis « dangereux », je dis « à manier avec précaution », pas « à éviter ».

    Il ya des équilibres à trouver. « Les sis more » d’un côté, « « L'inutile et le superflu sont plus indispensables à l'homme que le nécessaire » de l’autre.


    À divertir : une manière de dire « à rien de directement utile ; mais plaisant ».
    La tradition : celle d’inclure de petites fictions dans le texte.

    Assez d’accord pour la pire des fictions, mais j’aurais plus tendance à blâmer le jeu que la fiction, car généralement la fiction correspond mieux aux intentions annoncées des auteurs.

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  4. D'un autre côté, j'ai tendance à considérer qu'un bouquin de JdR n'est pas plus une oeuvre en soi que la notice Ikea n'est un meuble en soi.

    On pourrait parler de l'art de concevoir une notice de montage, par contre.

    Et là, je pense que "de 0 à meuble monté en un minimum de temps" c'est le critère nummer èèn.

    Tout ce que tu aimes, le côté organique du truc, le "less is more", le superflu comme sel de la vie, tout ça : j'adore. Pendant mes parties.

    Le but d'un manuel de JdR, c'est de t'apprendre le plus aisément possible à jouer au jeu, non ?

    Quant aux petites fictions, je repense à tous ces JdR qui t'usent les yeux avec des novelettes moyen utiles, mais qui n'illustrent pas les règles avec des replay de partie. Perso, je vois ça comme du papier gâché.

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    1. C'est une optique que je partage en partie, mais j'aime également les bouquins de jdr "classique" comme une lecture, un peu comme un genre littéraire à part entière. Je dois dire qu'à ce titre les livres de règles de VB me laissent fort sur ma faim. Ils sont efficaces, il n'y a aucun doute la dessus.

      L'on retombe dans le débat dis-Jacques-le-jdr-avec-ou-sans-les-loisirs-associés-? ("avec")

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    2. À y réfléchir, je me demande si ma position ne serait pas plus simulationiste et la tienne plus ludiste et narrativiste ?

      Ou, pour approcher la question autrement, si l'optique "mode d'emploi efficace" n'est pas plus liée à, ou appropriée, pour des jeux qui essayent de modeler l'expérience des joueurs à travers leurs règles (leur algorithmes ?), l'approche plus fluff pour des jeux qui essayent de modeler la fiction partagée | créée à partir de la fiction proposée (leur données ?) ?

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    3. Sur les manuels comme lecture : je dois t'avouer un truc, je suis un gros-gros fan des encyclopédies imaginaires. Ca doit être dû aux heures que j'ai passé à éplucher La Guerre Des Etoiles : le Guide quand j'étais môme. Et je pense que c'est assez évidemment un genre littéraire super-complémentaire avec le JdR.

      A ce niveau, sans sombrer dans le "dans ta face" Bakerien, je trouve justement que la Guerre des Etoiles : le JdR de Costykian est particulièrement bien fichu. Un manuel de règles clair comme de la roche, sans le moindre gramme de papier gâché et didactique comme pas deux, qui ne perd pas de temps mais se laisse le temps de rigoler, et un Guide encyclopédique génial à lire et à relire.

      Au niveau "position". Arg. Le Gros Modèle, ma kryptonite. J'ai jamais réussi véritablement à capter les limites entre simulationniste et narrativiste, j'ai tendance à penser que ludiste n'est pas vraiment une catégorie à part et j'ai vraiment l'impression qu'il manque plein de trucs. Maintenant, je suis à fond dans le story now : l'histoire la plus importante ne se passe pas avant (background) ou après (compte-rendu) mais pendant la partie, et ça a intérêt à dépoter dès les premières minutes, voire dès la création de perso.

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    4. Sinon je réagis à ça :

      Ou, pour approcher la question autrement, si l'optique "mode d'emploi efficace" n'est pas plus liée à, ou appropriée, pour des jeux qui essayent de modeler l'expérience des joueurs à travers leurs règles (leur algorithmes ?)

      C'est pas tout ce que peut faire une règle ? Demander aux joueurs de changer leurs comportements pour modeler leurs expériences ?

      (En discutant de tout ça, je me sens un peu acculé, en fait. J'essaie d'éviter de jargonner, mais faire la différence entre la pratique des règles à la table, les règles comme idéal de comportement dans la tête de l'auteur et le manuel avec les règles telles qu'elles sont écrites, je commence à avoir du mal. Système, règles et manuel ? Je jargonne ou pas ?)

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    5. Aïe caramba. J’ai écrit une tartine, presque tout un pain, et je l’ai foutue au bac. Vraiment, je ne voulais infliger cela à personne. J’ai écrit un autre message, en tentant d’aller à l’essentiel. Tartine. Bac. C’était moins pire.

      Voici la version digest : la fiction aussi c’est des règles.

      Pourtant, à force de faire des distinctions du genre : règles, conseils et univers, ou règles de simulation au sein du système, on change sa manière de voir, de jouer, de créer les jeux. Ces distinctions ont du sens et sont utiles. Mais quand l’on ne voit plus que les différences et plus les points communs, l’on a une vision moins lucide et l’on change encore la manière de concevoir.

      Créer un jeu en [modelant l’expérience des joueurs en] guidant la fiction partagée à partir de la fiction proposée (=règle), c’est une vision tronquée mais répandue, ou qui fut répandue. Je crois.

      Si l’on pose, comme beaucoup l’on fait ou le font, que le jdr c’est toujours un peu la même chose (attribution des rôles meneur et jouer, meneur scénariste-arbitre-animateur-opposition, joueur acteur, …), que l’on oublie cette partie comme faisant partie du système, que l’on ne voit plus que le système de simulation, que celui-ci vise au réalisme ou à la vraisemblance, que l’on croit arriver à quelques points d’équilibre idéaux entre complexité et ces buts, on ne peut plus faire un autre jeu qu’à travers une autre fiction, puisque l’on a l’impression que cela reste le seul élément mobile.

      C’est ce que je voulais dire, en précisant un peu et en corrigeant quelques approximations.

      Quant au jargon, je crois que tant que l’on n’aura pas une Académie du jdr (je ne dis pas que c’est souhaitable), une floppée d’articles scientifiques (ça commence) ou un truc du genre, la seule bonne solution que je vois est de paraphraser à chaque fois. C’est fatiguant. Je n’aurais pas du jargonner. Ca m’aurait évité de tartiner.

      Sinon, tu vas finir par me ruiner en me faisant acheter SW d6, tu devrais avoir honte.

      Sisi, ça c’était la version courte.

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  5. Tiens, tu as mis une photo de moi vieux.
    C'est gentil. :-)

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  6. Une des réponses à la question, c'est que ça donne des idées de contenu et d'ambiance (les nouvelles Vampire étaient extrêmement bien pour ça).

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Je considère que vous avez lu la page d'avertissements et je modère en conséquence.