Meneurs de jeu, vous connaissez le topo : certains jeux de rôles traditionnels vous demandent de préparer une intrigue — une suite de scènes où on lâche les PJs qui vont remonter le fil jusqu'au final.
Et comme de bien entendu, les PJ étant des PJ — les protagonistes de l'histoire avec leur libre-arbitre, tout ça — ils vont rarement suivre le fil. Ils vont se démener, aller contre l'intrigue, essayer de la contourner voire même faire complètement autre chose "parce que c'est ce que mon personnage ferait."
Et bon, depuis la nuit des temps, les gens qui écrivent des JdR et des scénarios ont cherché des formats qui préviennent ce genre de soucis. Des bacs à sable, des donjons, des arborescences, des schémas relationnels, voire simplement de l'impro totale. C'est bien entendu une Bonne Chose™ et ça a donné des jeux comme Leverage, Dogs in the Vineyard, Apocalypse World, Smallville ou 3:16 — de la bonne grosse came. C'est pas comme si je vous en avais pas déjà rebattu les oreilles avec.
Mais il y a une tension là-dessous. Le Destin — le MJ, quoi — tente de maintenir les héros — les PJ — sur un chemin qu'ils cherchent à éviter. Et les personnages vont essayer d'échapper à la volonté divine du MJ par la ruse, la force ou l'endurance. C'est de la bonne tension, y'a de la viande là-dessous. Je veux dire : les mortels cherchant à échapper au destin divin, c'est la base de pas mal de tragédies, non ?
Est-ce qu'il y a un moyen d'utiliser cette tension pour le Bien de Tous™ ? Est-ce que quelqu'un a essayé de concevoir un jeu où cette opposition entre le plan du MJ et les envies des joueurs est productive ? Je crois voir quelque chose qui ressemble à ça dans Mountain Witch mais pas vraiment.
Suite à une discussion avec ma mie et les réactions sur G+, j'imagine quelque chose comme ça : le MJ a un rôle. Au lieu d'être tout le monde partout tout le temps comme d'habitude, il joue, je sais pas, quelque chose comme le Roi-Sorcier de la Montagne, un être surpuissant, presque divin, qui domine les contrées et se sert de ses habitants comme de ses jouets. Par sa magie surpuissante, il impose une destinée aux très nombreux habitants du cru — on n'a pas la télé, il faut bien combler le manque cruel de soap opera.
Mais une bande de héros se soulèvent et décident de lui casser la figure pour lui apprendre à jouer avec les gens comme ça. Ils sont néanmoins sous son influence, comme tout le monde, mais leur force d'âme leur permet de forcer contre leur destin. Ca fait mal, c'est difficile, c'est dangereux, mais c'est possible.
D'un côté, le joueur en charge du Roi-Sorcier a prévu son "scénario" pour les PJ. De l'autre, les PJ peuvent malgré tout faire ce qu'ils veulent. Les règles s'occuperaient de gérer cette balance délicate : le Roi-Sorcier aurait des pouvoirs lui permettant de prendre le contrôle des figurants, de faire tomber les calamités sur les héros, mais seulement s'ils s'éloignent de leur destinée déjà tracée. Les héros, eux, pourraient avoir un aperçu de leur destinée et essayer de louvoyer, de la suivre mais selon leurs termes.
Il faudrait que le monde ait l'air de vivre même quand personne, ni les joueurs, ni le MJ, ne s'en occupe. Après tout, le Roi-Sorcier peut posséder les gens ou tilter leurs vies à gauche, à droite, mais n'a pas un contrôle absolu sur son monde. Il est surpuissant mais pas omnipotent. De plus, vu l'aspect compétitif du jeu, il faudrait que le monde serve de terrain de jeu équitable à l'affrontement entre les deux camps : si le MJ a tout pouvoir dessus, ben, la compétition est un brin truquée.
Bon, ça ne va pas beaucoup plus loin dans ma tête pour l'instant, mais je pense qu'il y a moyen de faire.

Ca me fait penser à Rock of Tahamaat, space tyrant. Mais dans ce jeu il y a un MJ qui fait la plomberie et un PJ spécial qui joue le Tyran.
RépondreSupprimerJe dois te faire un aveu : je suis fan-fan-fan de V. Baker, et je vois ce qu'il veut expliquer avec ce jeu, mais j'ai jamais pu vraiment biter comment ça doit se jouer et quel en est l'intérêt exact.
SupprimerSinon c'est vrai que c'est un peu le même principe : un jeu fait pour explorer un aspect théorique d'une pratique. Ca serait la bonne solution, de pondre un truc vite-fait pour voir comment ça tourne. Quand j'aurai 5 min devant moi, je tenterai le coup.
Faut que tu joues à Sens Hexalogie, mon vieux Greg ;)
RépondreSupprimerJe suis en train de feuilleter le PDF d'intro, et trois réactions à chaud :
Supprimer• J'adore les illus, très concept art
• Ca a l'air de se prendre furieusement au sérieux
• Ludwig Wittgenstein me donne la migraine
Y'a un peu de My Life With Master derrière aussi, tiens.
RépondreSupprimerMy Life With Master transcende carrément cette histoire de compétitivité entre MJ et PJ. Ça va au delà, les règles sont incroyables et permettent... je sais pas, un truc au dessus d'un simple bras de fer MJ /PJ. Je ne sais pas comment expliquer ce que m'inspire ce jeu, mais ça a été une claque monumentale quand je l'ai lu (bien plus que tous ce qu'a fait V. Baker). Par contre, je me sent incapable de le mener. C'est pas que c'est compliqué, c'est juste que ça m'impressionne énormément.
SupprimerJe parle pour rien dire là... désolé.
D'après ce que j'en sais, les mécanismes simulent des relations abusives et sont inspirés de travaux sérieux sur le sujet. Ceci expliquant peut-être cela.
SupprimerComment ça ! Tu ne l'as pas encore lu ? Si je peux me permettre, fais-toi un petit cadeau et achète-le. La boîte à Heuhh l'a bien traduit. Sinon, le pdf en VO ne doit pas coûter bien cher.
SupprimerJ'ai la VO depuis ouf-bien-ça (ça doit être un des premiers PDF que j'ai acheté sur le web), mais c'est de l'autre partie dont je doute : je ne suis pas expert en psychologie relationnelle.
SupprimerFranchement, je crois que les règles te permettent justement de t'en sortir sans être un tel expert. C'est au joueurs qu'il revient de jouer les dilemmes moraux de leurs personnages.
SupprimerCe qui me bloque, moi, c'est la grande création qui me semble être demandé au MJ. Il doit improviser constamment de nouvelles scènes pour chacun des personnages en tentant de leur faire faire les basses besognes du Maîîître.
Non mais je n'en doute pas, mais je voulais dire : je ne suis pas sûr que les règles soient vraiment basées sur les réelles mécaniques des relations abusives. Juste que ça y ressemble très fort.
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