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lundi 10 septembre 2012

Les jeux de rôles traditionnels, ça n'existe pas

(Big up à Tonton Alias.)

A l'origine était le Donjon. Plus précisément, Dungeons & Dragons : Rules for Fantastic Medieval Wargame Campaigns Playable with Paper & Pencil & Miniature Figures de Gary Gigax et Dave Arneson. Deux livrets dans une boîte, et des règles incomplètes et partant du principe que vous alliez patcher les trous avec Chainmail (un jeu de combat médiéval) et Outdoor Survival (un jeu de simulation de randonnées*). Il faudra attendre le premier supplément, Greyhawk, pour que Dungeons & Dragons devienne un jeu complet. Et tout ce joyeux bazar est vendu par correspondance, grâce à des annonces dans les magazines spécialisés, ou dans certaines boutiques pour hobbyistes décalés : modélistes, grognards, figurinistes...

Ce sont les années 70. Il n'y a pas d'internet. Du tout. Ce qui réduit non seulement l'accessibilité en pron, mais aussi la possibilité d'échanges entre geeks

Et donc, tu te retrouves un beau matin avec dans ta boîte au lettres un jeu qui ne t'explique pas vraiment comment on y joue, mais qui t'assure que c'est possible d'y jouer, que d'autres y arrivent, et qu'ils s'éclatent. Et tu n'as que peu de moyens de communiquer avec ces gens-là.

Alors tu vas faire semblant. Pas juste faire semblant d'être un elfe. Tu vas faire semblant de savoir ce que tu fais, tu vas suivre les instructions comme tu les comprends et boucher les trous comme tu le peux. Tu vas faire comme si tu savais jouer à D&D avec tes potes, jusqu'à ce que ça marche et qu'on s'amuse. Fake it till you make it.

A ton humble avis, en procédant de la sorte, quelles sont tes chances de jouer au jeu auquel Dave et Gary jouent ? 

Aucune. Gary disait d'ailleurs à ce propos en frontispice de la version avancée :
Les règles étaient incomplètes, vagues et souvent ambigües et à cause de ça, D&D est devenu un non-jeu. Je veux dire par-là qu'il y a tellement de variations dans la façon de jouer d'un pays à l'autre, d'un patelin à l'autre voire d'un groupe à l'autre qu'il n'y a plus aucune continuité et aucun accord sur ce qu'est ce jeu et comment bien y jouer.
Donc voilà. Faute d'instructions claires, de procédures établies, le jeu de rôles, à sa base, c'est mille tables différentes qui jouent milles jeux différents avec le même bouquin de règles, en pensant faire la même chose. Ca donne un loisir créatif et rafraîchissant, ça donne de la variété, ça donne du choix.

Par contre, si vous voulez mon avis, ça donne une belle excuse pour vendre un gamedesign de merde** et ça rend notre loisir difficile à partager. Je reviendrai là-dessus un peu plus tard.

*Je sais, je pourrais vraiment me lâcher sur les blagues de geeks qui ne sortent pas de chez eux, mais vraiment, est-ce que ça en vaut la peine ?

**Et la galaxie tout entière sait que je ne suis pas propice à l'hyperbole.

Illustration : Futurama, © 2005 Fox Television.
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17 commentaires:

  1. C'est très vrai ce que tu dis. Mais à mon sens, cette capacité d'interprétation à la fois des règles et des univers est au coeur de notre hobby.

    Si on peut très bien vendre un game design de merde et un univers à trous, on peut aussi se baser sur le fait que chaque table fera sa sauce. Est-ce que les jeux bac à sable ou boîte à outils sont pour autant de mauvais jeux ?

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    1. Est-ce que les jeux bac à sable ou boîte à outils sont pour autant de mauvais jeux ?

      S'il est impossible d'y jouer sans le faire à sa sauce, oui, je trouve. C'est un peu facile de sortir un jeu branlant et de dire "ouiii, mais si ça ne vous plait pas vous pouvez changer les règles et tout ! C'est VOTRE jeu ! Vive la liberté ! Youpi !"

      Chez les concepteurs de jeux de société, y'a ce qu'on appelle la phase de playtest en aveugle : tu poses ton jeu sur la table, tu te mets dans un coin, tu mouftes plus, tu laisses les testeurs se démerder et tu prends des notes. Et tes testeurs, tu les prends de tous bords : débutants, confirmés, vétérans.

      Je serais curieux de voir combien de JdR peuvent passer ce cap. Et ce n'est pas "impossible" ou "idéaliste" : certains y arrivent. J'en connais.

      Si tu dois bidouiller les règles pour qu'elles marchent et torcher tes aventures toi-même au juger et bidouiller un brin le setting pour qu'il tienne debout et sucer de ton pouce la bonne façon de mener le jeu, dis-moi, t'as payé pour quoi quand t'achètes un JdR ? Qu'est-ce qu'il t'apporte que tu n'aurais pas pu faire en free-form à la louche à partir du pitch de base ?

      (Avertissement : je suis en pleine charrette atomique et un brin sur les nerfs, donc salement hargneux aujourd'hui.)

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    2. Et en plus, tu copicolles tes réponses d'ici à G+ ou vice-versa ;p

      Je suis d'accord avec toi. Il n'existe aucune excuse pour un jeu bancal. Ce que je veux dire, c'est que la géométrievariabilitude du JdR peut être pris comme un élément de design.

      Les jeux qui proposent des univers à construire ou plusieurs façons de résoudre un conflit en sont des exemples.

      Je sais pas si je suis clair, si ?

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    3. Très clair sur ce coup-ci.

      Et oui, complétement d'accord : c'est même un peu l'essence du jdr. Des règles et des procédures qui prennent ce qu'on invente ensemble autour de la table au sérieux et s'en servent pour faire avancer la partie.

      Maintenant j'ai une hargne sans fin pour les jeux qui te disent "et là invente un truc et tire ton plan." Ou qui laissent des trous béants en se disant que t'es assez grand pour les remplir toi-même (combien de jeux n'ont aucune procédure pour écrire son scénario ou mener la partie ? Tu fais comment quand c'est ton premier jeu ?)

      J'aime bien HeroQuest qui te donne des pistes pour choisir tes règles de résolutions parmi 3, Apocalypse World qui te donne des procédures claires (et qui marchent) pour pondre ton background au fur et à mesure des parties ou Star Wars (d6, 1ere édition) qui te donne une méthode solide et des checklists pour construire des scénarios qui sentent le Star Wars, par exemple.

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    4. oui.

      En meme temps, je suis a peu pres sur que le concept de "playtest" n'existe pratiquement pas (on va dire, pour éviter de dire JDR "traditionnel") dans le jdr "non indépendant", c'est à dire 99 % de ce qui est aujourd'hui dispo en boutiques en france. Et pour cause.

      Ah oui, Et Starwars, avec ses archétypes vites brossés à coups de "phrases typiques", son souci d'émuler la fiction et ses tas de d6 aux résultats cinématiques, maintenant que j'y pense, etait un des mes systemes préférés.

      Du coups, je me rend compte qu'lls avaient eut pas mal d'avance et d’intuition.

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    5. LOL

      Franchement, croire que la notion de playtest est propre au microcosme Forgien/Indy, c'est faire preuve d'une mauvaise foi à toute épreuve.

      Tous les éditeurs que je connais playtestent intensivement avant la sortie. Tous.

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    6. 1) je n'ai jamais dit que c'était forgien ou indie. Star Wars 1e édition passe un playtest en aveugle les doigts dans le pif.

      2) je ne parle pas de playtest, je parle de playtest en aveugle. Pas juste "le créateur y joue avec des gens", mais "je donne le jeu à un groupe sans rien lui expliquer et je regarde ce qu'ils en font pour voir si ça colle avec ce que j'ai prévu."

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    7. Et puis certains jeux indies sont très vagues sur la façon dont on y joue réellement. Je suis un peu énervé quand je vois qu'un auteur écrit un truc sympa en 10-20 pages et qu'il est pas foutu de rajouter 2 ou 3 pages pour préciser son propos.
      En revanche leur simplicité permet en général de rapidement combler les blancs sans trop de problèmes.

      Je suis plutôt d'accord avec Greg sauf sur un point. Certains jeux jouent clairement la carte de l'approximation. Dans les Milles Marches, Le Grumph nous file un peu les clés de la boutique et sous-entend "c'est bon je vais te prendre par la main, t'es un grand garçon/fille". Lacuna est un jeu "concept" qui prend volontairement les lecteurs en défaut avec des blancs et des approximations pour qu'ils se prennent en main et décident d'eux même comment on y joue.

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  2. je vois pas en quoi ça pose problème de s'approprier un jeu, qu'il soit mauvais ou non d'ailleurs

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  3. Tiens, Alias a été guest star dans Futurama ?

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    1. Ça fait des années que je n'ai plus de queue de cheval. Hélas.

      (Je n'ai plus de lunettes non plus, d'ailleurs.)

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    2. Va falloir mettre a jour ton avatar :-)

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    3. Je sais. Je vais. Un jour.

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  4. Si on peut très bien vendre un game design de merde et un univers à trous, on peut aussi se baser sur le fait que chaque table fera sa sauce. Est-ce que les jeux bac à sable ou boîte à outils sont pour autant de mauvais jeux ?



    C'est d'ailleurs ce qui se passe souvent dans le jdr, même avec des règles bétons et un univers complet.

    A part ça je ne comprend pas vraiment la relation entre le titre de l'article et son contenu. J'aimerais vraiment que tu poursuives ta réflexion de ta conclusion, ça nous eclairera peut être.

    Il y a tout de même beaucoup de points interessants dans ton article. Tu nous parles de gamedesign d'un loisir naissant, de playtesting, etc.

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    1. A part ça je ne comprend pas vraiment la relation entre le titre de l'article et son contenu. J'aimerais vraiment que tu poursuives ta réflexion de ta conclusion, ça nous eclairera peut être.

      Quand tu dis "je fais du JdR" je n'ai aucune idée de ce que tu fais réellement. Quand tu me dis "je joue à", disons, "Shadowrun" et que je te répond "moi aussi", en fait, on a presque rien en commun. Et pourtant, on parle tous comme si on avait des choses à se dire, comme si nos pratiques étaient les même. Comme si on avait le même loisir, et pas une constellation de pratiques finalement très différentes les unes des autres, avec la seule base que "on a des persos, des joueurs, un MJ et une histoire (vaguement)."

      Quand un type me dit "c'est pas du JdR (trad)" en parlant, je sais pas, d'Apocalypse World ou de Fiasco ou de D&D4, tout ce que je peux entendre, c'est "c'est pas comme on joue d'habitude moi et mes potes". Mais lui, il est sûr d'avoir dit un truc sur le loisir tout entier.

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